« PIPE SUR PIPE », L’EDITORIAL DE PATRICK APEL-MULLER DANS L’HUMANITE DE DEMAIN MERCREDI
Le lobbying fiscal des privilégiés, joliment illustré par la note de Bercy
préparatoire au « grand débat » (voir page 4), se concentre sur deux cibles :
la dépense publique, qui serait un gâchis paralysant l’activité, et
l’imposition des plus fortunés, qui ferait fuir les gros patrimoines et
entraverait l’investissement. Dans le premier sac, tout est fourré en
désordre : les dépenses d’éducation et de santé, qui concourent directement à
la qualité et à la valeur du travail, les transports, qui permettent la
circulation des marchandises, les prestations sociales, qui génèrent des
emplois, et une consommation, qui reste notre premier moteur de croissance.
Toutes ces dépenses ruissellent véritablement, irriguant le tissu économique et
social. Et, dans ce paquet, on trouve tout au fond les dépenses pour les
services de l’État, qui ne pèsent que 6 % du produit intérieur brut de la
France. Le discours sur l’excès de dépenses publiques est donc fondé sur une
intox.
La justification de la suppression de l’ISF est tout aussi fallacieuse. Une
note des Économistes atterrés, publiée hier, en atteste. Chaque année, la fuite
des gros patrimoines – moins les retours dans l’Hexagone – ne s’élève
qu’à 0,15 % d’entre eux. Autant dire rien. Quant aux cadeaux faits aux très
très riches, ils n’ont que 1 % des chances de revenir vers la production. 99 %
sont investis sur le marché financier spéculatif, qui parasite l’économie
réelle. Là, pas de ruissellement, seulement une nouvelle captation. Enfin, un
petit calcul montre que les 3,2 milliards d’euros dérobés aux Français par la
suppression de l’ISF auraient permis d’attribuer une prime de 1 600 euros aux 2
millions de travailleurs payés au Smic. Autre chose que les moins de 100 euros
finalement concédés ! La mesure n’a conduit qu’à sanctuariser la richesse des
richissimes.
Lors de ses échanges avec des élus ou des citoyens, Emmanuel Macron nous a
donc infligé pipe sur pipe. Une tabagie propre à polluer le grand débat
national.
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