TRANSPORT. « FOL ACHARNEMENT DE L’ÉTAT POUR LE CDG EXPRESS ». (PIERRE DUQUESNE)
Le projet d’une ligne directe entre Roissy et Paris risque de pénaliser les usagers du quotidien. Rejeté par les élus de tous bords, il est jugé « hautement souhaitable » par le préfet Cadot.
Le Charles-de-Gaulle Express avait du plomb dans l’aile. Ce projet de
liaison directe entre l’aéroport de Roissy et la gare de l’Est, dans le centre
de Paris, sans aucune desserte, doit être suspendu, avait plaidé le syndicat
des transports Île-de-France Mobilités (ex-Stif), le 12 décembre 2018. Les
travaux générés par ce projet « pourraient durablement détériorer la vie
quotidienne de millions de Français », avait aussi souligné la présidente
LR de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, qui y était pourtant favorable
au départ. Même prise de position de la maire de Paris, Anne Hidalgo, au
lendemain de cette délibération du syndicat francilien. La suspension a aussi
été réclamée par le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis
(Stéphane Troussel, PS), ainsi que par ses homologues de droite du Val-d’Oise
et de Seine-et-Marne. Un appel de 100 élus, responsables associatifs et
syndicalistes, publié vendredi dernier dans l’Humanité, enjoignait aussi au
préfet d’Île-de-France de donner la « priorité aux transports du
quotidien », prenant au mot Emmanuel Macron.
Les conditions de
transport de 2 millions d’usagers menacées
La création de cette ligne de 32 km, dont 24 km sur des voies déjà
empruntées par le Transilien K et le TER Paris-Laon, sur le même faisceau
ferroviaire que les RER B et D, aura en effet de lourdes conséquences pour les
usagers. Ce chantier serait lancé alors même que de lourds travaux doivent être
effectués pour améliorer le trafic sur le RER B après des années de
sous-investissement. Il sera en outre très compliqué, matériellement, de mener
de front ce chantier et les travaux du Grand Paris Express. Résultat : un
risque de réduction de trafic, de vitesse sur les lignes, voire de suspension
de lignes qui ne se limiterait pas aux périodes de moindre trafic (week-ends,
été, soirées…), alerte l’association Non au CDG Express. « On est prêts à
dégrader les conditions de transport de 2 millions d’usagers pour transporter
une population restreinte (environ 17 000 voyageurs, selon les
estimations) et aisée, capable de payer un billet estimé entre 24 et 29
euros », dénonce son président Didier Le Reste. Face à cette mobilisation,
le gouvernement a confié au préfet d’Île-de-France, Michel Cadot, une mission
pour déterminer les projets prioritaires. Mais ce dernier ne semble pas pour
autant décidé à abandonner celui du CDG Express, qu’il a encore défendu bec et
ongles dans un entretien accordé lundi au Parisien. « C’est difficile à
entendre pour les usagers du quotidien, mais il s’agit d’un argument de
compétitivité internationale, explique-t-il. Si Roissy veut rester dans les dix
premiers - aéroports mondiaux- et continuer à faire de Paris le moteur du
développement du pays, cette liaison est hautement souhaitable. » En 2019,
le préfet préfère donc défendre la compétitivité que l’intérêt général… On aurait
pu lui opposer que la métropole francilienne n’a pas eu besoin de cette
nouvelle ligne pour devenir la deuxième région la plus riche d’Europe, en
termes de PIB par habitant, devant le Nord-Ouest italien et la région
londonienne. Et cela n’a pas non plus empêché cette région d’accueillir 49
millions de visiteurs en 2017… Un record.
Un projet
indissociable de la privatisation d’Aéroports de Paris
Alors, pourquoi tant d’acharnement ? Pourquoi l’État s’apprête-t-il,
malgré toutes ces oppositions, à gager un prêt de 2,1 milliards d’euros pour
financer cette ligne qui sera gérée par un opérateur privé ? Cet
entêtement ne peut être « détaché de la volonté du gouvernement de
privatiser Aéroports de Paris », dénonce Didier Le Reste. Construire cette
ligne coûte que coûte est une manière « d’habiller la mariée » et de
vendre à prix fort le deuxième aéroport d’Europe. « À un moment où
l’aéroport est en phase de développement, avec un quatrième terminal en projet,
cela vise à lui donner les moyens de son accès au centre de Paris »,
confirme d’ailleurs le préfet Cadot.
Pierre Duquesne
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