« EXEMPLAIRE », L’EDITORIAL DE MAURICE ULRICH DANS L’HUMANITE DE DEMAIN MERCREDI
Vu de loin, il n’y a pas grand-chose de commun entre les gilets jaunes et
les robes noires, avocats, magistrats, qui défilaient par milliers hier à
Paris. Et pourtant. La question de l’accès à une justice de qualité, proche des
citoyens, ne se confond pas avec la justice sociale, mais elle en fait partie.
L’égalité devant la loi est une supercherie quand un tribunal est saturé par
des dossiers en attente, quand le tribunal le plus proche est à des kilomètres.
La justice est une abstraction sans les moyens de la justice. Une pétition
lancée par le Conseil national des barreaux à la mi-décembre pour qu’il soit
débattu de l’égalité d’accès à la justice dans les territoires a déjà recueilli
25 000 signatures. Mais ce que l’on appelle un peu vite la fracture
territoriale n’est pas seule en cause, car ce dont il est aussi question, c’est
d’une fracture sociale. Il n’en va pas de même pour un grand délinquant en col
blanc et un voleur de scooter. Pour les manifestants d’hier, dont faisaient
également partie les éducateurs de la protection judiciaire, le projet qui
venait hier en deuxième lecture au Parlement est porteur « d’une justice
illisible, inaccessible, inhumaine et privatisée ».
Édouard Philippe a défendu, hier à l’Assemblée, un texte « profondément
équilibré ». On a le sentiment d’une mauvaise blague, quant au même
moment, dans l’Eure et devant 600 maires, Emmanuel Macron, la main sur le
cœur, en appelait à un débat sans tabou, affirmait sans sourciller que « le
mouvement des gilets jaunes est une chance pour qu’on puisse réagir plus fort
et plus profondément » et qu’il faut « constamment redemander aux gens leur
avis ». Mais quand des milliers de robes noires qui savent de quoi il est
question, qui connaissent leur métier et les conditions de son exercice sont
dans la rue, le premier ministre détient contre eux la vérité, avec son
gouvernement et ses députés prêts, pour la plupart, à tout accepter. C’est au
fond exemplaire, le jour même où est lancé « le grand débat ». C’est une
provocation et une invitation involontaire à prendre la parole, réellement,
dans tout le pays, sur tous les sujets, et à agir.
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