LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

mercredi 7 février 2018

Marchés financiers. Un parfum de krach envahit la planète boursière (Bruno Odent)


tout s’est envenimé lundi quand les opérateurs boursiers ont acquis la conviction que la hausse progressive des taux pourrait être beaucoup plus rapide et précipitée qu’annoncée par la Fed. Scott Olson/Getty images/AFP

Après Wall Street (– 5 % lundi), toutes les places du globe ont dévissé hier, sur fond de crainte d’inflation, synonyme de hausse des taux d’intérêt. L’enflure financière du moment est, en fait, au cœur de cette montée des périls économiques.
Il règne comme une ambiance de krach depuis quelques jours sur les places financières de la planète. Wall Street a connu un mini-lundi noir, perdant près de 5 % ce 5 février en une seule séance. Après une semaine « baissière », le CAC 40 et les autres Bourses du globe dévissaient à leur tour hier de façon spectaculaire. Le retour de l’inflation et la crainte d’un resserrement généralisé des politiques monétaires qui fait surgir le spectre d’une hausse des taux d’intérêt alimentent la fébrilité des traders. Ces gros « investisseurs » des marchés boursiers considèrent d’un très mauvais œil l’entrée dans une période où le coût de l’argent se renchérirait. Car cela provoquerait mécaniquement une baisse des rendements de leurs opérations financières.
Les craintes sont d’autant plus fondées que les nuages s’accumulent depuis des semaines sur l’horizon boursier. Les records battus presque tous les jours par les différentes places, et singulièrement par Wall Street, la plus puissante d’entre elles, portent en effet la marque d’une enflure financière plus imposante encore que celle atteinte à la veille des krachs les plus retentissants (2007-2008, 1987 et 1929). L’écart entre cette monstrueuse protubérance et l’économie réelle est devenu intenable. Le total de la seule capitalisation des actions a ainsi dépassé en 2017, à 90 000 milliards de dollars le total du PIB mondial, soit l’ensemble des richesses créées l’an dernier sur la planète.

Juguler une remontée du risque d’inflation

Pour combattre la léthargie qui a suivi la dernière déflagration financière en 2007-2008, les banques centrales avaient ramené leurs taux respectifs quasiment à zéro. Dans l’espoir que cet argent gratuit déversé sur le système financier « ruisselle » vers l’activité réelle et permette de terrasser un risque lancinant de récession. Il faudrait désormais changer complètement de perspective pour juguler une remontée du risque d’inflation, à la faveur du regain de croissance constaté ces dernières semaines dans les pays développés. Et programmer un retour à une politique monétaire « normale ».
Les banques centrales, et surtout la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) où la croissance est la plus forte, ont amorcé précautionneusement la manœuvre. Ce qui semblait jusqu’alors ne pas troubler outre mesure les opérateurs boursiers. Mais tout s’est envenimé lundi à Wall Street quand ceux-là ont acquis la conviction que la hausse progressive des taux pourrait être beaucoup plus rapide et précipitée qu’annoncée par la Fed.
Suprême révélateur des logiques parasitaires du système : c’est une hausse plus élevée que prévu des salaires aux États-Unis qui est à l’origine du mouvement de panique chez les agioteurs. L’évolution des rémunérations constitue en effet l’unique baromètre de la finance pour mesurer le risque inflationniste. Le rôle des énormes boursouflures financières apparues au fil de ces dernières années est ignoré. Pourtant, à y regarder de plus près, ce sont elles qui pèsent aujourd’hui le plus lourdement sur l’indice des prix. Comme celui de l’immobilier, par exemple, dans tous les grands centres urbains. Ce qui provoque autant de crises du logement avec une amputation du pouvoir d’achat des salariés ordinaires qui, à son tour, est à l’origine de la langueur de l’activité économique.
Si l’on veut se prémunir de l’inflation, telle qu’elle est constituée aujourd’hui, il faut donc réduire d’urgence l’enflure financière. L’instrument classique, une hausse brutale et généralisée du loyer – assortie de surcroît d’une intensification de la guerre économique dans la foulée du dumping fiscal pratiqué par Donald Trump –, étoufferait dans l’œuf le fragile retour de la croissance et ne pourrait que conduire à l’éclatement d’un krach en bonne et due forme. Voilà qui signale le besoin, non pas de revenir sur les politiques de crédits quasi gratuits pratiquées par les banques centrales, mais de se montrer bien plus sélectif pour diriger cet argent, non plus vers la finance, mais vers l’emploi, la formation, la préservation du climat ou les services publics, bref, vers ces investissements utiles à l’humanité. Ainsi, à un moment où les craquements boursiers deviennent si assourdissants, un immense défi d’émancipation et de civilisation frappe-t-il aussi à la porte.

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