« Libérez Gramsci » (Pierre Chaillan)
Un coup
de com ! Dans Valeurs actuelles, Marion-Maréchal Le Pen indique participer
à « une académie de sciences politiques » afin d’enraciner les thèses
des « droites conservatrices », et ce en appliquant « les leçons »
de Gramsci. C’est un grand classique : se réclamer de manière abusive du
camp adverse en piochant dans les analyses pertinentes chez l’ennemi pour créer
la confusion et en rendre inopérante la portée. Faut-il rappeler dans quelles
conditions le philosophe a élaboré sa théorie de l’émancipation rapidement
résumée sous l’expression d’« hégémonie culturelle » ? Le
dirigeant communiste italien Antonio Gramsci a passé les onze dernières années
de son existence en prison sous le régime fasciste de Mussolini. Arrêté fi
1926, le procureur déclare alors : « Nous devons empêcher ce cerveau
de fonctionner pendant vingt ans »…En fait, sa condamnation n’empêchera
pas l’intellectuel sarde de poursuivre son œuvre. Il écrira ses « Carnets
de prisons », qui renouvelle l’analyse critique du libéralisme.
C’est
en marxiste que Gramsci élabore des concepts comme « hégémonie culturelle »,
« bloc historique », « révolution passive », « national-populaire »,
etc. Et ses travaux permettent si bien de se saisir des réalités du combat
politique en cours et des enjeux idéologiques que nombre de courants et clubs
de réflexion s’en inspirent. Il en est de l’extrême-droite dès les années 1970,
récemment encore de la droite sarkozienne ou du « populisme de gauche ».
Pourtant, si tous reprennent volontiers la dimension d’une bataille des idées à
mener, ils semblent ignorer que le champ de la lutte des classes contre toutes
les dominations avec les concepts moins mis en avant de « classe fondamentale »
ou de « classes subalternes ». Gramsci restera en prison jusqu’en
1937 et sa mort. Il faut maintenant les sortir des geôles de la pense dominante
et régressive pour rendre vivante son analyse de justice sociale et de dignité
humaine.
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