Un mouvement salutaire qui porte loin (Patrick Le Hyaric)
Arc-bouté sur
les intérêts particuliers qu’il sert, le pouvoir refuse tout débat sérieux sur
les contours d’une réforme progressiste des retraites, adaptée aux conditions
de notre temps. Ces dernières sont marquées par la reconnaissance de pénibilité
de nombreux métiers, les inégalités croissantes au travail et dans les
rémunérations, celles entre les revenus des hommes et des femmes, les besoins
de financement nouveaux liés à une autre cohérence économique, les défis
civilisationnels et humains posés pour assurer l’autonomie des personnes âgées.
Autant d’enjeux qui mériteraient des débats contradictoires.
Au lieu de
cela, le pouvoir insiste pour que la discussion soit limitée à un périmètre qui
acte la destruction du système de retraites solidaires par répartition. Les
travailleurs sont donc sommés de négocier des reculs sociaux et démocratiques.
Pour parvenir à ses fins, il croit subtil de diviser salariés et retraités en
agitant ce qu’il appelle « les régimes spéciaux ». Jamais ne lui
viendrait à l’idée de hisser les systèmes de retraite vers le « mieux
disant social ». Non, c’est toujours vers le bas que les droits sociaux
sont alignés alors que les droits et pouvoirs des puissances d’argent sont
alignés vers le haut avec des cadeaux fiscaux et sociaux, une liberté totale de
circulation du capital, la spéculation et les paradis fiscaux. Mieux, le
Président de la République s’est offusqué que celles et ceux qu’il est censé
représenter ne se sentent pas heureux, leur demandant de comparer leur pays à
d’autres moins bien lotis. Ceci dit tout de sa philosophie. Pourquoi pas
le retour à l’esclavage, pour gaver encore plus les actionnaires. Car il y a un
régime très spécial dont le pouvoir et ses porte-voix ne parlent
jamais. C’est celui des revenus financiers du capital évalués à 290 milliards €
et qui ne contribuent en rien au bien commun. Le gouvernement doit cesser de
brouiller les cartes, de demander aux citoyens d’accepter une répartition
équitable des sacrifices tout en cachant son projet fondamental : offrir
l’immense manne des retraites socialisées aux rapaces de la finance en
substituant la capitalisation à la répartition, en misant sur la baisse des
pensions pour obliger les intéressés eux-mêmes à y recourir.
C’est parce
que, très majoritairement, nos concitoyens dans leur diversité, du chef-lieu
d’arrondissement jusqu’à la capitale, ont fait l’expérience des mensonges des
gouvernements qu’ils défilent, soutenus par celles et ceux qui ne peuvent pas
faire grève ou se rendre à une manifestation. Ils ne supportent plus que la
« transformation » du pays par M. Macron soit synonyme de destruction
de l’Etat social et des solidarités. Ils sentent bien que les lois successives
qui usurpent le mot « réforme » ne sont que mises en cause des droits
sociaux, qu’il s’agisse des lois travail, de la casse de des assurances maladie
et chômage.
Pendant ce
temps, ce sont la baisse de la fiscalité du capital, la suppression de l’impôt
sur la fortune, le fameux prélèvement forfaitaire unique, la pérennisation du
CICE, les diminutions des cotisations employeurs qui frappent à la
caisse » les ressources des organismes mis en place à la Libération. La
cohérence des choix macroniens saute aux yeux. Le calcul des retraites par
point est un outil de pilotage pour baisser le niveau des pensions. En prenant
en compte l’ensemble de la carrière pour le calcul des futures pensions, il
devient un moyen de pression obligeant les salariés à accepter n’importe quel
emploi, venant compléter les dispositions de la loi travail et de la contre-réforme
de l’assurance chômage. C’est, de ce fait, le moyen aussi de faire pression à
la baisse sur les rémunérations du travail.
La contre-réforme des retraites est
le dispositif supplémentaire pour marchandiser plus encore le travail, mettre
les individus en compétition, et faire accepter un raisonnement non plus en
fonction des besoins mais des « coûts ». Les mouvements en cours
portent l’intérêt général.
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