« SAUVE QUI PEUT ! », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !
Décidément, les faits sont têtus. La réalité est coriace et ne se plie pas aux stratagèmes de l’exécutif, qui pensait vaincre à l’usure le plus puissant mouvement social qu’a connu notre pays depuis plus de dix ans. Mais c’est l’inverse qui se produit. Quinze jours après le début des grèves, le soutien populaire à la mobilisation et la défiance envers le projet de réforme des retraites du gouvernement ne cessent de croître, obligeant l’exécutif à tirer des bords pour tenir compte du sens du vent. Et le zigzag qui en résulte fait louvoyer le bateau de la Macronie, soudain moins sûre de son cap face à la détermination de la rue et des grévistes.
Les craquements
dans la coque font frémir jusqu’à la capitainerie. Prenez « l’âge d’équilibre »
à 64 ans : cette invention scélérate, conçue pour avoir l’air de tenir une
promesse tout en la foulant aux pieds – « l’âge légal de la retraite restera à
62 ans », avait juré le candidat Macron en 2017 – était la « ligne rouge » des
syndicats dits « réformistes ». En passant outre, Édouard Philippe a présumé de
sa force, et surtout sous-estimé celle des organisations de salariés, en
calculant que son camp politique à la base électorale encore étroite et fragile
sortirait grandi d’une victoire par K.-O. sur le mouvement social. L’espoir
s’ouvrait d’une réélection par la grande porte en 2022, avec un Jupiter porté
en triomphe par une droite versaillaise éprise de revanche contre un modèle
social qu’elle identifie obsessionnellement à la CGT.
Mais
rien ne se passe comme prévu. Désormais, c’est le pouvoir qui est renvoyé dans
les cordes, et ses parades tapent dans le vide. Macron ouvre une porte à la
négociation après que son premier ministre a claqué la porte au nez des
syndicats. Une partie de ses ministres soutient l’ « âge pivot » comme la corde
le pendu, en prétendant sans rire qu’il masque les grandes avancées sociales du
projet. Tous sont désormais obsédés par une chose : sauver la réforme, au prix
de quelques reniements s’il le faut. Les commentateurs à la vue basse parleront
du pouvoir comme d’un bateau qui tangue. Mais c’est la mer démontée qui le
secoue en tous sens.
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