« France Télécom et la réforme des retraites », l’éditorial de Christophe Deroubaix dans l’Humanité de ce jour !
Il n’a
pas déclenché d’incontrôlables torrents de commentaires de la part des
professionnels du genre (alias les éditocrates). La trêve de Noël est un sujet
autrement porteur du poujadisme inversé où le monde du travail n’apparaît que
lorsqu’il joue les trouble-fêtes. Et pourtant, le jugement du tribunal
correctionnel de Paris fera date. Assumons : il est historique. Le harcèlement
moral managérial est certes une notion reconnue par la Cour de cassation depuis
2009. Mais, avec le procès de France Télécom, le harcèlement moral
institutionnel est décortiqué, analysé et…condamné. Justice est rendue aux
victimes du plan Next, peau anglo-saxonne d’une véritable machine de guerre
sociale que la présidente du tribunal a caractérisée à l’aide d’une citation de
Jean de La Fontaine : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient
frappés ».
Si le
rôle de l’État a été laissé à l’écart de la procédure, il n’est pas interdit de
rappeler que ce sont plusieurs gouvernements qui ont présidé à cette violente
et traumatique mue, transformant un fleuron des services publics en groupe du
CAC 40 aux méthodes managériales de « killers » désormais condamnées.
L’histoire
de France Télécom ne se résume évidemment pas aux agissements de trois de ses
dirigeants, condamnés à un an de prison, dont huit mois avec sursis. Elle est
surtout celle d’une stratégie : sortir l’entreprise de la logique
solidaire du service public. Sans créer de relations artificielles, le procès
de France Télécom et la réforme des retraites ont une forme de filiation
commune : cette volonté d’en finir avec le modèle social forgé après le
Seconde Guerre mondiale, dans l’esprit du programme du Conseil National de la
Résistance, où l’on travaillait de manière égale au service public et non des
clients, où l’on pouvait profiter de quelques années du repos du juste en bonne
santé après des décennies de travail. Il apparaît, sans doute à la surprise des
gouvernants, que ce vieux monde-là a quand même la vie dure.
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