« Une réalité violente », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour !
Hier,
des milliers d’étudiants se sont rassemblés devant le Crous, les centres
régionaux des œuvres universitaires, d’une quarantaine de villes. C’est devant
celui de Lyon que l’un deux, âgé de 22 ans, a tenté de s’immoler par le feu
pour dénoncer ses conditions de vie. je vise, a écrit le jeune homme brûlé à
90%, « un lieu politique, le ministère de l’Enseignement supérieur et de
la Recherche et par extension le gouvernement ». La ministre concernée,
Frédérique Vidal, s’est rendue à Lyon, où elle a exprimé son émotion. Mais encore ?
Il y
a plue de cinquante ans, un texte célèbre, De la misère en milieu étudiant,
levait le voile sur la précarité de nombre d’entre eux, quelques mois avant l’explosion
de Mai 68. Il y a aujourd’hui près de 2,7 millions d’étudiants en France, près
de cinq fois plus qu’à cette époque. La démocratisation de l’enseignement
supérieur est d’une certaine manière une réalité. Mais à quel prix ? Un
quart des étudiants vivent avec moins de 500 euros par mois. 46% doivent
travailler.14% disent ne pas avoir les moyens de manger dans les restaurants
universitaires. Le logement, le principal poste de dépense, est pour la plupart
une hantise permanente, même dans les cités universitaires, le plus souvent
dégradées.
Tous
ne sont pas lotis de la même manière. La précarité touche en premier lieu les
12% et les 15% d’enfants d’ouvriers ou d’employés. Pour ceux qui arrivent aux
études supérieures, encore faut-il y rester. Un tiers des étudiants abandonnent
dans les deux ou trois premières années. L’université va mal parce qu’elle
repose toujours sur un principe de sélection et de reproduction sociale dans
les perspective d’une efficacité dans l’économie de marché. L’étudiant est
lui-même une marchandise. Réformer l’université, ce serait avoir la volonté
politique d’en faire un grand service d’émancipation intellectuelle et
culturelle, au service du progrès social. Ce n’est pas le chemin pris. La réalité
de l’université aujourd’hui est violente.
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