Retraites : « Des pistes d’une brutalité inédite » (Sébastien Crépel)
Certaines
solutions présentées par le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) pour
économiser 8 à 17 milliards d’euros sur les pensions d’ici à 2025 conduiraient
à faire travailler deux à quatre ans de plus les salariés proches de la
retraites.
L’heure
de la douche froide a sonné. Avec la remise au premier ministre du rapport du
Conseil d’Orientation des Retraites, les milliards d’euros d’économies
demandées au système se traduisent subitement en années de labeur supplémentaire
pour chacun. Et la réalité des sacrifices qu’ils représentent s’éclaire
soudain.
En septembre
Édouard Philippe avait passé une commande précise au COR, au point d’en écrire
d’avance la conclusion. Tout en réclamant « un état de la situation financière
de notre système actuel de retraite », le chef du gouvernement voulait des
« mesures concrètes (…) pour induire un report de l’âge effectif moyen de
départ » à la retraite. L’organisme s’est exécuté fidèlement, mais non
sans exprimer une très perceptible réticence quant au bien-fondé de « la
démarche qui sous-tend cet exercice ». Comprendre : les membres du
COR ne sont pas tous convaincus de la nécessité d’économiser les 8 à 17
milliards qui manqueraient aux retraites d’ici 2025, selon leurs calculs. S’il
s’agissait de récupérer ce montant sur les retraites déjà liquidées entre 2021
et 2025, le tour de vis serait très sévère : il faudrait baisser la
pension moyenne, qui représente aujourd’hui 49,8% des revenus des actifs, de
1,1 point à 2,4 points, soit une diminution nette du montant de 2 à 5% - du « jamais-vu »,
soulignait samedi le Parisien-Aujourd’hui en France.
Autre
option, le durcissement très brutal des conditions de départ pour ceux qui
seront bientôt en retraite. L’une des hypothèses évoquées porte ainsi sur le
report de l’âge légal d’ouverture des droits, aujourd’hui de 62 ans. Celui-ci s’appliquerait
dès la génération 1959, c’est-à-dire celle qui peut prétendre partir en 2021, à
raison de 2,5 à 5,5 mois de plus chaque année (retraite à 62 ans + 5à 11 mois
pour la génération 1960, + 7,5 mois à 16,5 mois pour celle de 1961, etc.). Idem
si le choix du gouvernement portait plutôt sur le nombre d’années cotisées pour
le taux plein (42 années aujourd’hui) : dans ce cas les salariés nés à
partir de 1959 pourraient se voir subitement imposer 5 à 10 mois de plus pour
prétendre à une pension entière. Et ains de suite jusqu’à atteindre 44 à 46,3
annuités pour la génération 1963.
Concrètement,
cela signifie que les salariés qui ont prévu de partir à la retraite dans cinq
ans (génération 1963) devraient en fait travailler deux à quatre ans de plus !
À côté, la réforme Touraine promulguée en 2014 semble d’une incroyable douceur,
avec un allongement de la durée de cotisation de six trimestres s’étalant jusqu’en
2035 et sur seize générations (1958 à 1973)…
Quant
au niveau global des pensions, il serait, au-delà des différences sociales et
de carrière, très affecté. Le COR ne chiffres pas ces effets, mais il indique
que, « quelle que soit la mesure envisagée, la pension cumulée sur cycle
de vie (l’addition des pensions versées tout au long de la vie – NDLR) serait
en moyenne moins élevée ». Certains y perdraient dès le premier mois –
surtout si l’on touche aux années de cotisation. Les autres seraient spoliés
sur la durée, avec un temps de retraite écourté, en particulier « les
femmes et les assurés avec des périodes de maladie et ayant les plus longues
carrières », relève le COR.
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