"Besoin d'ambition", l'éditorial de Laurent Mouloud dans l'Humanité de ce jour !
« Être ou ne pas être à la hauteur ? Telle est la
question à laquelle le gouvernement se doit de répondre. Au surlendemain d’une
mobilisation historique contre les violences faites aux femmes, Édouard
Philippe a la redoutable tâche de livrer ce matin les conclusions du Grenelle
contre les violences conjugales. N’en doutons pas, le premier ministre saura
soigner le décorum. Une douzaine de membres de l’exécutif sont annoncés. Et la
solennité du discours tout comme l’numération d’une quarantaine de mesures techniques,
feront illusion. Mais il est à craindre que, au-delà de cette mise en scène
soignée, rien ne soit au niveau de l’exigence exprimée par cette « marée
violette » inédite.
Face à l’urgence des féminicides, il serait vain de balayer
d’un revers de manche ce Grenelle. Ces deux mois de cogitations – interminables
pour les féministes – n’ont pas été complètement inutiles. La sensibilisation
progresse. Et les annonces sur l’autorité parentale, le « suicide forcé »
ou encre la formation des policiers sont sans doute appréciables. Mais, encore
une fois, est-ce à la hauteur ? Clairement, non. On ne peut pas se
contenter d’ajustements juridiques à peu de frais et de promesses législatives
lointaines lorsque, chaque semaine, des femmes meurent sous les coups de leur
compagnon et que la domination patriarcale gangrène tous les pans de nos
sociétés.
Alors que le sujet a besoin d’ambition, le gouvernement
propose une politique minimale, un pied sur le frein budgétaire. Les associations
estiment à 1 milliard d’euros par an le montant nécessaire pour lutter contre
les violences faites aux femmes. Seuls 360 millions y sont consacrés, avec peu
d’espoir que cela ne change. Trois ministres ont déjà prévenu dans une tribune
publiée ce week-end : « Le gouvernement ne peut pas tout. » Et
de miser, pour prévenir les violences, sur une « société de vigilance ».
La responsabilité individuelle pour mieux déresponsabiliser l’État. Du macronisme
pur jus. Dans la manifestation, une femme interrogeait : « Il y a 3
milliards débloqués pour de nouvelles technologies en France, et on ne serait
pas capables de donner 1 milliard pour sauver nos vies ? » À Édouard
Philippe de lui répondre.
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