« Coup d’État déguisé », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !
Osons
le mot que beaucoup refusent encore d’employer : le retrait d’Evo Morales
de la présidence de la Bolivie est bel et bien le fruit d’un coup d’État. Coup d’État
contre l’ordre institutionnel légal, qui se trouve soudain comme suspendu,
après la démission des seules autorités légitimes pour gouverner le pays dans l’attente
du dénouement de la crise électorale. Coup d’État contre la démocratie
elle-même, ensuite, puisqu’il met fin à la présidence Morales sans passer par
un retour aux urnes, comme le chef de l’État andin le proposait en réponse à sa
réélection contestée.
Certes,
il s’agit d’un coup d’État déguisé, le mode opératoire ayant un peu évolué
depuis l’ère Banzer – fameux pour avoir recyclé l’ancien SS Klaus Barbie au
sein de ses « services spéciaux » – et autre Barrientos – l’assassin
de Che Guevara, – deux des plus récents dictateurs dans le pays aux 190 coups d’État
depuis l’indépendance. Nul militaire n’a, pour l’heure, annoncé prendre le
pouvoir. Les belles âmes qui, sous n’importe quels autres cieux, auraient appelé
à la première heure au respect de l’État de droit y puiseront peut-être de quoi
se trouver en paix avec elles-mêmes.
Il faut
pourtant se crever volontairement les yeux pour ne pas voir que la démission du
chef de l’État n’a rien d’une « victoire de la démocratie ». Ce n’est
pas la protestation civique contre le résultat annoncé des élections qui a
poussé au départ le président sortant, mais l’action conjuguée de la violence
de miliciens cagoulés pourchassant, molestant les élus de gauche et incendiant
leur maison, du basculement à droite du commandement de la police et de l’armée,
et des pressions des États-Unis et des gouvernements conservateurs s’exprimant
sous couvert de l’Organisation des États américains (OEA). En bon autocrate en
herbe, le nouvel homme fort de La Paz au pedigree d’extrême droite, Luis Fernando
Camacho, a appelé à l’«arrestation d’Evo Morales ». La libération de Lula,
dans le Brésil voisin, montre heureusement que le pire n’est jamais sûr.
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