« L’onde de choc », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité de ce jour !
Ils se
comptent sur les doigts d’une main ces moments, dans l’histoire de la Ve
République, où les classes populaires se sont réapproprié leur destin et ont
imposé leur propre agenda politique. Il y a un an, des citoyens eurent cette
idée géniale, ô combien allégorique, d’enfiler un gilet jaune pour se dresser
contre des injustices sociales insupportables. Cette étincelle imprévisible a
donné naissance à un mouvement inédit, inventif, incontrôlable qui fit vaciller
en un mois l’arrogance macroniste, là où syndicats et partis de l’opposition
avaient échoué à y parvenir. Un an plus tard, certes, le feu a perdu de sa
vigueur, mais il crépite toujours les samedis, à un péage d’autoroute, sur un
rond-point ou un boulevard parisien. Et les effets de cette onde de choc n’ont
pas fini de se faire sentir.
Il en
aura déjoué des pièges, ce mouvement que le pouvoir a tenté de réduire à une
révolte poujadiste. L’extrême droite a bien essayé, elle aussi, d’y forcer le
passage avec des diversions identitaires. Peine perdue, car les gilets jaunes
ont débordé les cadres et scénarios préétablis, représentant la France dans
toute sa diversité et sa complexité, tiraillée entre solidarité et préjugés,
fatalisme et désirs d’inventions. Malgré le recul d’une année, cette prise de
conscience brutale de la sévérité de la crise démocratique n’a peut-être pas
encore tout dit du basculement profond du champ politique. Mais elle a révélé
au grand jour la nature d’un pouvoir macroniste pris de vertige autoritaire
pour maintenir les privilèges des plus fortunés. Si le chemin des ronds-points
aux bulletins s’avère sinueux, les gilets jaunes ont ouvert la brèche de luttes
victorieuses. Grâce à eux, Emmanuel Macron ne pourra pas achever son
quinquennat comme il l’a commencé.
L’ampleur
de la mobilisation pour sauver l’hôpital public, inédite elle aussi dans sa
composition et sa longévité, serait-elle la même si les gilets jaunes n’avaient
pas semé leurs cailloux. l’An II reste à écrire, et le grand mouvement social
qui s’annonce le 5 décembre peut contribuer à en esquisser le premier chapitre.
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