« À plein », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour !
Le black Friday, bientôt
l’événement le plus important depuis la fondation de Rome et les premiers pas
de Neil Amstrong sur la lune. Noël sera bientôt ringard, l’enfant Jésus se la
jouera tout seul dans sa crèche et la messe de minuit chantera les louanges
d’Amazone. Hosanna sur le Web. Il n’est même plus besoin de prétexte, de sapin,
de réunion de famille. Les dindes, c’est nous. La fête c’est le prix, J’achète donc je suis.
Ce vendredi noir, certains disent
le vendredi fou, est, on le sait bien, un jour de grande arnaque venu des
Etats-Unis. Il ne suffit plus des fausses soldes à répétition, des fausses
opérations réservées à des clients faussement privilégiés. Il faut du volume,
du chiffre, il faut que la machine à gaver les actionnaires tourne à plein,
comme les salariés invités à se soumettre ou à se démettre doivent être à 120
pour cent. Ils font partie des dommages collatéraux de la guerre commerciale.
Horaires, productivité. Pression maximale et répression à la clé. On licencie
aussi vite qu’on vend.
On voit bien le piège. La grande
distribution, les mastodontes du Web ne feraient que répondre aux attentes des consommateurs.
On voit venir ensuite les professeurs de morale. Allons donc, à chacun d’être
responsable, de modifier ses comportements disent celles et ceux dont la grande
vertu n’a d’égale que leur pouvoir d’achat. C’est la grande foire aux
hypocrites. Que le doigt qui montre le consommateur ignore la main invisible
qui organise le marché et désorganise le travail. La vérité du Black Friday,
c’est la dérégulation de l’économie et de la protection sociale. C’est la
dérégulation de l’espace urbain et de la vie en commun. 2,5 million de colis
livrés par jour dans Paris, dix fois plus qu’en temps normal, trafic aérien,
émissions polluantes en hausse. C’est le marché libre des salariés et des
micro-entrepreneurs. Quand un livreur tombe, au figuré comme au propre, un
autre prend sa place. Le veau d’or, lui, est debout.
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