« Addition des colères », l’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité de ce jour !
L’addition des colères ne se dément pas.
Ajoutons que la peur a, peut-être changé de camp. Cette grande peur d’une
«coagulation» et d’une «convergence des luttes» en vue du
5 décembre...
Un an, et une bougie sous forme de barricades
et de révolte. Le 53e épisode du mouvement des gilets jaunes a donné lieu à des
impressions contrastées, comme si l’acte I de l’an II avait été volé aux
protagonistes – médiatiquement du moins. Pourtant, ils étaient bien là, ces
citoyens de combats, réunis dans plus de deux cent rassemblements. Au moins
30 000 un peu partout sur le territoire, dont plusieurs milliers dans la
capitale, selon les chiffres «officiels» de l’Intérieur. Plusieurs
manifestations, même déclarées, n’ont pu se dérouler en raison d’affrontements,
en particulier place d’Italie, à Paris, théâtre de «violences» à usage
télévisuel.
Répétons-le: ces scènes de casse
n’apportent rien à la mobilisation sociale et ne permettent pas de parler avec
sérieux et gravité de la colère monstrueuse qui continue de remonter des
tréfonds de la société. Au contraire. Nous en avons tous été les témoins,
braqués sur les chaînes d’information en continu. De quoi a-t-on débattu toute
la journée? Certainement pas du cœur des revendications. D’où notre sentiment
d’amertume. À l’évidence, beaucoup s’obstinent à ne pas comprendre ce qui se
passe vraiment…
Car les raisons des colères sont toujours
là. Et celles et ceux que nous avons rencontrés expriment des fractures si
béantes qu’elles ne risquent pas de se refermer de sitôt, comme en témoigne le
dernier sondage Ifop: 4 personnes sur 10 se disent encore «révoltées» par la
situation économique et sociale, malgré les milliards allongés par Emmanuel
Macron, qui n’étaient qu’un arrosoir et une réponse conjoncturelle pour sauver
la structure. L’addition des colères ne se dément pas. Ajoutons que la peur a,
peut-être depuis, changé de camp. Vous savez, cette grande peur d’une
«coagulation» et d’une «convergence des luttes» en vue du 5 décembre, qui
pourrait bien ouvrir un nouveau chapitre.
De plus en plus de gilets jaunes
l’évoquent ouvertement désormais: «Tous ensemble, le 5!» Cette
peur est donc là, visible, elle tenaille l’exécutif et ses thuriféraires. Une
preuve? Plusieurs députés Modem viennent de réclamer une «grande
conférence sociale» et souhaitent «une augmentation des
salaires, sans attendre le 5 décembre». Vous ne rêvez pas.
Cette situation de panique en dit long sur les possibilités d’un mouvement
social élargi…
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