« TOUT À PROUVER », L’ÉDITORIAL DE LAURENT MOULOUD DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !
On les
célèbre désormais sans relâche. Infirmières, médecins, réanimateurs,
urgentistes… Sur les coups de 20 heures, la patrie reconnaissante, calfeutrée
chez elle, salue depuis sa fenêtre ces héros à la pointe du combat contre le
Covid-19. Les plus hauts responsables du pays ont remisé leurs arguties
comptables sur l’hôpital public. Et ils ne manquent pas une occasion de
célébrer l’engagement exemplaire des personnels soignants en première ligne.
Cette pluie d’hommages a ses vertus. Elle met un peu de baume au cœur à tous
les professionnels de santé, reconnus comme jamais pour leur sens des
responsabilités et leur esprit de sacrifice. Mais elle n’éteindra pas la
profonde colère du monde médical, mis sous tension et en danger par une pénurie
coupable de moyens – masques, gel hydroalcoolique… – et une gestion erratique
de la crise.
L’heure
du bilan viendra. Mais il n’est pas trop tôt pour souligner, déjà,
l’irresponsabilité des choix politiques de ces dernières années. Beaucoup
raillent l’ « impréparation » du gouvernement ou son « amateurisme ». C’est
encore lui faire trop d’honneur. Il n’a pas péché par naïveté, mais par calcul.
Voilà des années que ces décideurs préparent, à coups de serpe budgétaire,
l’ensemble du système de soins à ne pas être capable d’affronter de telles
situations. Quand le nombre de lits de réanimation et de soins intensifs passe
de 26 000 à 13 000, que le renouvellement des matériels se fait au
compte-gouttes, que toute la gestion hospitalière est aiguillée par le seul
souci de rentabilité à court terme, on choisit consciemment d’être désarmé face
à ce genre de catastrophe sanitaire.
En
février, Emmanuel Macron était venu à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, où est
décédé, le premier Français victime du coronavirus, et avait lâché au médecin
neurologue qui lui faisait face : « Je compte sur vous. » Ce dernier lui avait
répondu : « Vous pouvez compter sur moi, l’inverse reste à prouver… » Un mois
de tâtonnements plus tard, une loi d’urgence sanitaire a été votée, donnant
surtout aux préfets et aux employeurs le droit de remettre en cause le Code du
travail et les statuts de la fonction publique. Peut-on compter sur lui ? Il
semble que non.
Par
Laurent Mouloud
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