Le virus ronge aussi … les dogmes capitalistes ! (Patrick Le Hyaric)
« Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés ». La
parabole de La Fontaine dans sa fable Les
animaux malade de la peste traverse les siècles avec le
même à-propos. Le virus est un grand niveleur de conditions. Il ne choisit ni
le rang social, ni les origines de ses victimes. Dans son universelle cruauté
il trace un trait d’égalité funeste entre les êtres humains et, ce faisant,
fait craquer l’épais verni d’illusions qui recouvre nos sociétés. Et,
débarrassées de leur chaire grasse, leur squelette n’est pas beau à voir. Car
comme le conclut La Fontaine, seul importe au bout du compte de savoir si
« vous serez puissant ou misérable ». Les travailleurs seront-ils à
nouveau, comme le baudet de la fable, les victimes expiatoires de la crise actuelle
et future?
C’est toute la construction de la société en classes sociales antagonistes, l’organisation de la production, la condition des travailleurs, la casse méthodique des solidarités publiques, les dogmes libéraux, les tares de la construction maastrichtienne de l’Europe, la futilité marchande, le désastre écologique poussant la nature à la vengeance, qui s’exhibent crument sous nos yeux ébahis. Le virus est devenu le grand révélateur du système d’inégalité et de prédation qui structure nos existences sous domination du capital.
C’est toute la construction de la société en classes sociales antagonistes, l’organisation de la production, la condition des travailleurs, la casse méthodique des solidarités publiques, les dogmes libéraux, les tares de la construction maastrichtienne de l’Europe, la futilité marchande, le désastre écologique poussant la nature à la vengeance, qui s’exhibent crument sous nos yeux ébahis. Le virus est devenu le grand révélateur du système d’inégalité et de prédation qui structure nos existences sous domination du capital.
Le moment
historique que nous vivons est celui d’un vaste aggiornamento de la vie
collective, d’une prise de conscience générale des inégalités. Nous comprenons
ainsi aisément que les mesures de confinement, bien qu’indispensables, ne
peuvent être vécues de la même manière selon la condition sociale des
individus. Certains ne se privent d’ailleurs pas de témoigner de leur
confinement de première classe en résidence secondaire quand d’autres sont
invisibilisés dans un surpeuplement locatif éprouvant. Il en va tout autant du
télétravail, vanté par le gouvernement comme remède miracle pour stopper la
contagion. S’il est aisé voire confortable pour les cadres, il s’avère
impossible pour de nombreux ouvriers. Et il aura fallu plus de deux semaines
pour que le gouvernement daigne prendre les décisions nécessaires pour garantir
leur absolue sécurité sanitaire, et plus encore pour commander les fameux
masques de protection qui avaient disparu des réserves stratégiques de l’Etat…
Mais « en même temps », la ministre du travail s’est empressée de
commander aux entreprises des bâtiments et travaux publics de continuer leur
activité.
Le travail
est ainsi montré dans sa vérité, à rebours des illusions dont l’enrobent les
libéraux indifférents à l’utilité sociale des métiers et qui, à chaque
contre-réforme, cherchent à dissimuler les injustices criantes en rémunération
ou pénibilité.
Chacun
s’aperçoit désormais que les métiers les plus essentiels à la vie collective et
parmi les plus durs, les travailleuses et travailleurs qui répondent si
vaillamment présents, dans les transports, la santé, l’énergie, l’agriculture,
la distribution, le ramassage des ordures, les services, la fonction publique,
les chaines de production essentielles, sont en « temps normal » les
moins considérés et rémunérés. Les travailleurs qui bénéficient d’un régime de
retraite dit « spécial », brutalement dénigrés lors des débats sur la
contre-réforme gouvernementale, le justifient pleinement en montrant non seulement
leur utilité, la dureté de la tâche, mais aussi leur engagement indéfectible au
service de l’intérêt général. Que le « temps normal » apparait
aujourd’hui anormal ! Cette absurde inversion instituée par le capitalisme
ne peut plus durer. Le virus dévoile le scandale quotidien du mensonge et du
grand renversement des valeurs. Il appelle à remettre le monde sur ses pieds.
Les salaires mirobolants et la reconnaissance sociale indue de certaines
sphères à l’utilité sociale relative, ne peuvent plus être tolérés. Les travailleurs,
ouvriers et employés, doivent pouvoir bénéficier de conditions de travail et
d’une retraite digne de leur engagement et de leur rôle social. Cette
responsabilité appartient désormais aux gouvernements actuels et futurs,
surtout à l’heure où les retraites par capitalisation s’effondrent avec les
marchés financiers, comme au Pays-Bas où le principal fond de pension, ABP, a
annoncé une baisse des pensions pour combler ses pertes.
L’ensemble du
monde économique tremble. Dans l’urgence le ministre de l’économie a dit
envisager des nationalisations, de peur que l’emballement des marchés ne fasse
chuter des fleurons de l’économie nationale. L’hypothèse, mêlée à des mesures
d’interdiction des licenciements, sème le trouble dans les alcôves du patronat
qui craint qu’elle ne fasse date et que leur rôle soit contesté en cette
période si spéciale. Car en toute logique et en temps de guerre, fut-elle
sanitaire, ce n’est pas au patronat de définir ce qui ressort des
« secteurs stratégiques de l’économie » ou de mobiliser les
travailleurs mais à la puissance publique. Garante de la sécurité sanitaire des
salariés elle devrait, avec l’appui des syndicats, prendre les commandes de la
production et déterminer les chaines de production utiles pour répondre aux
besoins essentiels. Ceci pourrait servir à remettre sur ses pieds la logique
d’un monde plongé dans l’absurde et contribuer à redéfinir la valeur de la
production et le pouvoir de décision dans l’entreprise.
Les dogmes
imposés par l’Union européenne de Maastricht et Lisbonne sont renversés par les
évènements. D’abord, l’Etat tant décrié revient au pas de course. Les fameux 3%
de déficit autorisé, au nom desquels les gouvernements ont massacré la santé
publique, sombrent par nécessité. Car évidemment, quand l’économie est frappée,
c’est aux Etats donc aux citoyens de monter au front. Pourquoi la Commission
européenne a tant tergiversé sur toute forme d’aide, pour finalement injecter
750 milliards d’euros non pas dans l’économie réelle, la production et les
services publics, mais dans la banques et la finance ? Y aurait-il comme
un chantage exercé contre les Etats pour plus de convergence budgétaire, au
moment même où les besoins sont immenses pour faire repartir une activité
saine, sociale et écologique ? Cette attitude est irresponsable et
mesquine. L’endettement contraint d’Etats plongés dans l’austérité au nom de la
stabilité monétaire n’est plus acceptable. L’Italie en fait l’amère expérience,
la France risque d’y passer et l’Allemagne de subir les contrecoups d’une hégémonie
précaire, construite sur les ressorts pervers de la mondialisation capitaliste.
Ah oui M.
Macron, « le jour d’après ce ne sera pas un retour aux jours d’avant». Tout un
système craque. Le vôtre. Ce que nous nous sommes évertués à démontrer face aux
certitudes emmurées du gouvernement se rappelle à nous comme des évidences. Les
travailleuses et travailleurs, si durement touchés par cette crise, refuseront
de revivre le scénario du désastre. Notre vigilance doit être totale sur les
conséquences du texte de loi qui institue l’urgence sociale et sanitaire. Si
d’aventure le gouvernement voulait s’en servir pour faire des salariés la chair
à canon de sa guerre économique pour préserver le système et ses avantages, il
trouverait une opposition résolue. Car si toutes et tous sont capables de
répondre au défi du redressement une fois le virus dompté, que ce soit à leur
condition ! Non plus dans la dépendance de la finance et des actionnaires,
mais avec les outils qu’ils se choisiront dans leur intérêt qui est aussi
l’intérêt général, pour un avenir social, écologique et démocratique.
L’aggravation de cette crise va inévitablement créer de nouveaux rapports de
force entre le travail et le capital. Ici, une fois de plus, c’est le travail
qui sauve. Un véritable « nouveau monde » passera par sa
reconnaissance nouvelle.
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