Quelle urgence ? Coronavirus ou 49-3 ? (Patrick Le Hyaric)
Sur un ton
badin, inquiet, ou interrogatif, l’épidémie de Coronavirus s’est invitée dans
toutes les discussions au travail, dans les familles, villages et quartiers. La
crainte d’une propagation incontrôlée du virus est tout à fait légitime. Et
nous ne pouvons que conseiller de suivre les préconisations des autorités
sanitaires. Un gouvernement devrait dans pareil cas suspendre ses travaux pour
se concentrer sur l’édification d’un dispositif de soins d’urgence apte à faire
face à l’afflux prévisible de personnes malades ou croyant l’être.
Or il fait
tout l’inverse. L’utilisation de l’article 49.3 pour imposer une contre-réforme
des retraites rejetée par une large majorité en plein week-end, alors que le
pays est pétrifié par la menace du virus, est un acte d’une très grande gravité
qui ne servira les intérêts de personne. Le fait que les députés de la majorité
n’aient pas été prévenus par le Premier ministre de cette décision indique
qu’elle a été prise dans l’urgence pour profiter du vent d’inquiétude généré
par le Coronavirus.
Un cynisme au
carré s’est emparé du gouvernement. Utiliser pareille situation au profit de
son seul agenda politique témoigne à la fois de son cuisant échec et d’un
affaissement considérable du respect de la chose publique. Peut-être compte-t-il
détourner les regards de la situation critique d’un hôpital public en première
ligne de l’épidémie ? Pourtant les débats stimulants et essentiels ne
manquent pas sur les enjeux sanitaires, la mondialisation capitaliste, le rôle
des instances internationales.
Le virus est
devenu phénomène social. Il fonctionne comme un révélateur de l’état de nos
solidarités comme des effets de la mondialisation capitaliste. Et pose une
question : comment les sociétés peuvent-elles faire face à des phénomènes
épidémiques de cette ampleur ?
Il convient
d’abord de saluer le rôle de l’Organisation mondiale de la santé qui se révèle
à la hauteur de la situation, anticipant en toute indépendance les risques de
pandémie. L’épidémie met ainsi en évidence l’utilité des organismes
internationaux de coopération affiliés aux Nations-unies dans la résolution des
phénomènes qui se jouent des frontières.
Mais,
paradoxalement, le caractère mondial de l’épidémie met en lumière les vices de
forme de la mondialisation capitaliste. La transformation de la Chine en
atelier du monde par un processus de division internationale du travail poussé
à l’extrême n’a pas eu pour seule conséquence d’entrainer la
désindustrialisation et l’installation d’un chômage de masse. Elle a également
crée une situation d’ultra-dépendance du système productif mondial, le rendant
d’une très grande fragilité. La politique du « zéro stock » inventée
pour fluidifier et doper la circulation de marchandises et de capitaux se
révèle désastreuse. La plongée spectaculaire des bourses mondiales pourrait
avoir des répercussions considérables. Et le virus se transformer en étincelle
sur le brasier financier international.
Enfin le
contrôle de l’épidémie réclame un service public de la santé fort appuyé
sur un système hospitalier performant. Celui hérité de la République sociale,
animé par des personnels extrêmement qualifiés et dévoués, fait honneur à notre
pays. Il est malheureusement laissé depuis des décennies d’austérité
budgétaire, dans une situation chaque jour plus critique que seul l’abnégation
et l’engagement des médecins, infirmières et personnels permettent de maintenir
à flot. La défense et la modernisation de nos solidarités, de notre système de
Sécurité sociale comme des retraites solidaires par répartition sont plus que
jamais à l’ordre du jour et non leur destruction. Il faut d’urgence débloquer 4
milliards d’euros pour l’hôpital public. Cette somme est absolument nécessaire
pour affronter l’épidémie. Elle doit devenir pérenne comme le réclame les
syndicats. Ce ne serait qu’un rattrapage des saignées successives subies par
l’hôpital public. Voilà à quoi devrait œuvrer le gouvernement au lieu de se
prêter à de vulgaires manœuvres anti-démocratiques.
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