« Lâchetés », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité de ce jour !
Sur les
écrans, les images insoutenables s’enchaînent. Une embarcation chassée par des
tirs de sommation à balles réelles, des foules repoussées à coups de gaz
lacrymogène, des humanitaires arrêtés, un enfant de 4 ans noyé…Depuis vendredi,
la frontière gréco-turque est devenue le théâtre d’un nouveau drame humanitaire
à grande échelle. Fuyant l’escalade guerrière dans le nord-ouest de la Syrie,
des milliers de réfugiés se retrouvent pris en tenaille entre l’armée turque et
les hauts murs de la forteresse Europe. Tous, victimes du cynisme d’Erdogan, de
la xénophobie du pouvoir grec et de l’aveuglement de l’Union européenne.
De fait,
dans cette tragédie en germe, l’irresponsabilité est largement partagée. Il y
a, bien sûr, celle du président turc. En échec militaire et diplomatique pour
prendre le contrôle de la région d’Idleb, le maître chanteur d’Ankara a choisi
d’instrumentaliser la question des exilés. En ouvrant sa frontière, la Turquie
veut obliger l’UE à s’impliquer dans le bras de fer qui l’oppose à Damas et
Moscou. Le sort des dizaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants jetés
sur les routes et les embarcations de fortune ? Erdogan s’en contrefout. Tout
comme le gouvernement conservateur grec, qui voit dans cet afflux d’exilés une
parfaite occasion de faire étalage de sa politique anti-migrants, quitte à
bafouer ouvertement le droit d’asile.
L’UE,
quant à elle, brille par sa politique migratoire erratique. En déléguant,
depuis 2016, le soin à Ankara d’entraver la venue de nouveaux migrants, les
dirigeants européens ont préféré détourné le regard, alignant les milliards
pour se murer derrière les barbelés, plutôt que d’assumer l’organisation
raisonnée et partagée d’un véritable accueil. Cette indifférence a aujourd’hui
un prix. Celui de se retrouver otage de l’odieux marchandage de Recep Tayyip
Erdogan. Elle a aussi un coût. Celui de ces milliers de vies mises en péril,
sacrifiées sur l’autel des lâchetés.
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