« Le coup d’État social », l’éditorial de Patrick Le Hyaric dans l’Humanité de ce jour !
Quelle
farce ! Quel irrespect ! Quelle morgue ! Décidément rien n’arrête
plus le pouvoir ! Se croyant protégé par la progression du coronavirus qui
inquiète beaucoup, le premier ministre, au crépuscule d’un samedi, organise un
coup de force contre la Parlement. Même les députés de sa majorité furent
surpris. Pour détruire l’élément essentiel du pacte social français que sont
les retraites solidaires par répartition, une camisole de force veut tenir
silencieuse l’Assemblée nationale. Sans vote, en escamotant purement et
simplement le débat, une part constitutive de la République sociale conquise
après plus d’un siècle de luttes et inventée par un gouvernement dans lequel
siégeaient communistes et gaullistes serait sur le point de partir en fumée. Les
conséquences négatives en seront lourdes pour tous nos concitoyens de toutes
catégories comme pour les générations à venir.
Loin
d’être un signe de force, l’utilisation de ce couperet – l’article 49-3 – vient
prolonger et « parfaire » encore un fiasco gouvernemental à nul autre
pareil. celui d’un pouvoir incapable de répondre aux questions que posent les
citoyens, relayées par les oppositions parlementaires ; qu’il s’agisse de
la valeur du point au moment de toucher sa pension, de l’égalité femmes-hommes,
de la reconnaissance de la pénibilité, comme de la date de départ en retraite
ou de l’invention d’une retraite basée non plus sur les salaires mais sur un
prétendu « revenu moyen » inexistant. La bâillon vient compléter la
fermeture de la commission spéciale de l’Assemblée, une étude d’impact plus que
douteuse et un dispositif qui demandait aux députés à la fois de se prononcer
en ignorant la résultats de la conférence de financement et de se dessaisir de
leurs prérogatives sur un texte d’une importance capitale comportant 29
ordonnances que M. Macron critiquait avant de les décider lui-même, puisqu’il
déclarait le 25 novembre 2016 qu’il ne croyait pas « une seule seconde à
la réforme des ordonnances » ; mais, çà, c’était…avant… !
Aujourd’hui
depuis son palais, loin des clameurs de rejet, il frappe doublement. D’abord,
il dénie au Parlement son rôle de législateur. Ensuite, il fait fi du peuple. Une
majorité de nos concitoyens s’oppose au texte, aucun syndicat n’approuve, 70%
des Français se prononcent contre l’utilisation de cette machette antiparlementaire
et 67% réclament une consultation populaire. Le Conseil d’État avait pourtant
mis en garde contre le recours aux ordonnances, qui « fait perdre la
visibilité d’ensemble qui est nécessaire à l’appréciation des conséquences de
la réforme et, partant de sa constitutionnalité et de sa conventionnalité ».
Rappel à l’ordre on ne peut plus sévère.
Il s’agit,
indéniablement d’un coup d’État social. Ses auteurs le paieront très cher. Au-delà,
la démocratie elle-même va durement en souffrir. Il n’y a pas d’unité véritable
de notre République sans le ciment de la Sécurité sociale, sans le liant de la
solidarité et de la juste répartition des fruits du travail, contre son
accaparement par les rapaces de la finance. Les seuls à soutenir le pouvoir
dans sa vaste entreprise de guerre sociale. Le combat pour l’intérêt général n’est
pas terminé. La mobilisation s’organise. Des motions de censure seront
présentées au vote du Parlement. La loi « organique » de ce projet ne
pourra plus être adoptée selon l’ordre constitutionnel du 49.3. Le pouvoir n’en
a plus le droit. La censure populaire massive pour soutenir les motions
parlementaires dans une multiplicité d’actions. Et le vote du 15 mars, à l’occasion
des élections municipales, peut être le moyen d’une puissante censure de gauche
dans les urnes.
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