« Chair à canon », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité de ce jour !
Sur les
champs de bataille, on appelait çà de la chair à canon. Des soldats de petit garde
envoyés au front sans moyen ni espoir d’en revenir. En ces temps de guerre
sanitaire, nombreux sont les salariés à avoir désormais le sentiment d’être de
la chair à virus, sacrifiée au feu de cet « ennemi invisible »
baptisé Covid-19. Caissières, livreurs ubérisés, manutentionnaires, maçons,
éboueurs…Des centaines de milliers de travailleurs précaires, sans maison
secondaire ni télétravail, se retrouvent aujourd’hui en première ligne de la
contamination, obligés de venir trimer sous la pression d’employeurs qui s’inquiètent
plus de la survie de leur chiffre d’affaires que de celle de leurs employés.
À l’heure
du confinement général l’irresponsable avidité de certaines entreprises de
secteurs « non essentiels » doit être dénoncée. Face à une juste
inquiétude, ces patrons sans scrupules continuent de faire comme si de rien n’était,
l’œil rivé sur leurs profits et la meilleure manière de contraindre les petites
mains du prolétariat. Depuis trois jours, les syndicats recueillent des
témoignages accablants. Refus d’accepter des temps partiels ou de fournir des
protections, obligation de prendre des congés payés, chantage au licenciement.
Certains semblent prêts à toutes les turpitudes sociales pour engranger
quelques euros de plus. La palme du cynisme revenant au géant de la distribution
en ligne Amazon, riche à milliards, qui menace de ne plus payer ses employés
qui exerceraient leur droit de retrait pour des raisons sanitaires. Entre sauver
ses bénéfices et sauver les humains, la firme de Jeff Bezos a choisi !
Cette
indécente démonstration, dont les salariés les plus fragiles font
prioritairement les frais, a semblé choquer jusqu’au ministre de l’Économie,
Bruno Le Maire. Il a jugé ces pressions « inacceptables ». Las, les
belles paroles ne font pas illusion. Dans sa gestion hasardeuse de la crise du
coronavirus, le gouvernement est directement responsable d’avoir envoyé des
mesures de protection à la libre appréciation des entreprises. La start-up
nation vit toujours dans l’illusion infantile de l’autorégulation du marché et
la confiance aveugle dans le patronat. Même, malheureusement, lorsqu’il s’agit
de sauver la chair à canon du capitalisme.
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