« Audace », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !
Servir
les marchés financiers ou l’activité et l’emploi utiles à la population :
en ces heures graves où le coronavirus risque de gripper la machine économique,
jamais, depuis la crise d’il y a dix ans, l’alternative posée à la Banque
centrale européenne (BCE) n’a été aussi claire. L’épidémie de récession qui
menace ne s’attaque pas à un corps sain aux défenses solides : gavée d’une
dette privée qui a explosé avec les politiques du crédit à bas coût, rongée par
la finance qui a gonflé démesurément dans l’activité et le bilan des banques, l’économie
présentait, avant même la survenue du virus, tous les symptômes d’une maladie
qui ne demandait qu’à se déclarer, à la faveur d’un choc comme le Covid-19.
De ces
signaux d’alerte, la BCE et les gouvernements de la zone euro n’ont jusqu’à la
crise sanitaire absolument pas tenu compte. Au contraire, leur politique a agi
comme un remède qui a aggravé le mal, en déversant à fonds perdus des milliards
d’euros de liquidités au nom de la lutte contre la déflation. De cet océan d’argent,
seules quelques gouttes ont dopé la croissance, l’essentiel étant capté par les
profits et la finance dont la bulle de grossir au détriment des investissements
utiles. Quant aux taux d’intérêt, ils ont tellement baissé qu’ils ont crevé le
plancher et sont devenus négatifs, si bien qu’on ne voit pas comment la BCE
pourrait aller beaucoup plus loin dans cette politique.
Reste
une option pour contrecarrer l’effet du virus sur l’économie : se saisir
de cette occasion d’une relance dans l’intérêt des salariés, des PME et des
services publics, en conditionnant les prêts consentis par la BCE à l’utilité
sociale des projets, sur des critères décidés et contrôlés démocratiquement,
via l’implication des élus et des syndicats. Les besoins sont immenses, et les
ressources à réorienter quasi illimitées. Cela implique en tout premier lieu de
s’extraire de la course au dumping monétaire avec les banques centrales des États-Unis
et de Grande-Bretagne qui, au nom de la « compétitivité » tire sans
cesse l’emploi et les salaires vers le bas. Amis est-on prêt à une telle audace
au siège de la BCE à Francfort ?
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