« Dernier de corvée », l’éditorial de Paule Masson dans l’Humanité de ce jour !
« Plus
simple, plus lisible », se gargarise le gouvernement. Plus incertaine, en
réalité. La réforme des retraites présentée hier par Jean-Paul Delevoye a beau
être remplie de formules rassurantes, elle promet d’installer un système
beaucoup plus fluctuant puisque les paramètres d’âge ou de pension deviendront
révisables en fonction du cadre budgétaire ou de l’espérance de vie. Le grand
non-dit est là. La proposition débarrasse les gouvernements à venir de la « corvée
des réformes régressives et les met à l’abri de la célèbre formule de feu
Michel Rocard : « Avec la réforme des retraites, il y a de quoi faire
sauter plusieurs gouvernements ».
L’ « âge
d’équilibre », ce critère hypocritement inventé pour retarder le moment du
départ, n’a qu’un objectif, avoué par la haut-commissaire : « Inciter
au prolongement de l’activité » pour « garantir l’équilibre du
système ». La logique libérale est respectée, et l’adage éculé répété :
il faudrait travailler plus longtemps parce que nous vivons plus longtemps. Or,
n’est-ce pas justement en travaillant moins longtemps que nous vivons plus longtemps ?
Depuis la première grande réforma des retraites de 1993, l’âge de départ a
reculé jusqu’à atteindre plus de 62 ans aujourd’hui, et les pensions n’ont
cessé de diminuer. Or, l’espérance de vie marque le pas en France et celle en
bonne santé s’approche de… 64 ans en moyenne, l’âge pivot proposé par Jean-Paul
Delevoye.
Loin
du droit à disposer d’une vie digne après le temps de travail, la réforme est
indexée sur l’usure. Et maintenant il faudra se faire hara-kiri tout seul. Le système
de décompte par points introduit une individualisation des droits
proportionnelle à l’effort de chacun. Ce changement fondamental n’est pas
égalitaire, il grave dans le marbre les inégalités de la vie active et promeut
une retraite au mérité contre les repères collectifs.
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