1789-2019 : actualité de la Révolution !, l’éditorial de Patrick Le Hyaric dans l’Humanité de ce jour !
Les silences
officiels autour du 239e anniversaire de la Révolution française en
dit long. L’écho de cet événement fondateur serait-il à ce point dérangeant qu’il
faille l’étouffer dans le bruit rituel de Rafale, des parades militaires et le retour
des casernes pour jeunes ?
Le spectre
révolutionnaire, que M. Macron aura contribué à ranimer, tourmente bel et bien
notre époque. Face à lui se retrouvent libéraux et nationalistes dans la
méfiance ou l’aversion des principes de fraternité, d’égalité et de liberté et,
au fond, de toute forme d’émancipation individuelle et collective.
Évoquer
ou mettre en débat l’héritage révolutionnaire devient dès lors un acte
politique. Et l’on comprend aisément que l’actuel pouvoir refuse de s’y engager,
sauf à rappeler à ses dépens que, depuis la prise de la Bastille, le peuple s’est
érigé en seul souverain contre quiconque prétendrait lui dicter sa conduite.
Qu’y-a-t-il
aujourd’hui de plus actuel que la souveraineté populaire quand les États
détruisent un à un tous les conquis sociaux en donnant carte blanche aux
entreprises transnationales qui se développent à l’ombre des traités de
libre-échange contre l’intérêt général humain et environnemental ; quand
le droit des affaires supplante la loi souverainement définie grâce à des
tribunaux d’arbitrage privés ; quand la démocratie représentative s’abîme
dans un désaveu massif ; quand le capital s’efforce à défaire tous les
cadres d’expression et de délibération démocratiques, ne rechignant plus à
saborder les droits et libertés ? La préservation de la civilisation
humaine place à l’ordre du jour le post-capitalisme ouvrant la voie à un monde
nouveau de partage des savoirs, des avoirs et des pouvoirs, et de protection de
l’environnement : un communisme à inventer.
Les partis
du consensus capitaliste ont, chacun leur tour ou en coalition, créé les
conditions d’un affaiblissement des nations au profit du capital mondialisé. Les
multinationales du numérique vont désormais jusqu’à vouloir créer leur propre
monnaie et leurs propres tribunaux pour supplanter les États et organiser à
leur avantage la vie sociale. Cet affaiblissement des nations, ces « associations
politiques » selon Robespierre, est une condition de la dépossession
démocratique et du pillage systématisé du travail et de la nature. La nation n’est
pas un principe figé. Elle n’en reste pas moins aujourd’hui un héritage vivant
et un outil puissant pour créer les conditions d’une nouvelle révolution
sociale, démocratique et écologique.
« Il
n’est de révolution que sociale », écrivait le grand historien Albert
Soboul. Celle qui frappe à la porte devrait mettre en procès la propriété
capitaliste, et porter l’enjeu de la propriété sociale et publique, un nouvel
âge de la démocratie, des libertés et du rapport à la nature. C’est ainsi qu’un
projet internationaliste pourrait émerger pour favoriser des coopérations
européennes et mondiales, de nouveaux modes de production, d’échange, de consommation
démocratiquement définis, permettant aux êtres humains d’affronter ensemble les
immenses défis de notre temps : d’une rémunération juste du travail aux
protections sociales tout au long de la vie, de l’éducation à l’émancipation
des femmes, du climat à la paix, de l’alimentation à la santé, du numérique aux
migrations mondiales.
1789
a mis l’abolition de la monarchie à l’ordre du jour. Le monde en fut ébranlé. Poursuivre
l’œuvre révolutionnaire en 2019 commande de travailler au dépassement d’n
système capitaliste aussi dangereux qu’inapte à répondre aux besoins humains et
écologiques. La nécessité d’une « évolution révolutionnaire », pour
reprendre les mots de Marx, chemine dans les consciences. À chacun d’entre nous
de la faire collectivement advenir.
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