GILETS JAUNES : TROIS MOIS DE PRISON FERME POUR LA MILITANTE PCF
Maria B., militante
communiste de la Drôme, comparaissait ce mercredi 26 décembre pour « violence
en réunion ». Elle a été condamnée à neuf mois d’emprisonnement, dont six
assortis du sursis simple, avec interdiction de manifester pendant trois ans.
Convaincu qu'ils ont voulu « bouffer du flic » le 8 décembre, le procureur
a réclamé 12 mois de prison, dont six avec sursis, ainsi que 10 000 euros
d'amende, dont la moitié avec sursis, pour trois des prévenus, deux hommes de
22 ans et la militante de 37 ans. Pour le quatrième, « le plus violent et le
plus déterminé à en découdre » selon lui, il a réclamé 18 mois de prison dont
six avec sursis, et 15 000 euros d'amende dont la moitié avec sursis. Le
magistrat a enfin réclamé trois ans d'interdiction de manifester pour tous les
mis en cause.
On vous raconte le
parcours de cette militante depuis son arrestation lors d’un rassemblement
des gilets jaunes, le 8 décembre à Valence
En ces jours de fête, Maria B. a eu un
emploi du temps rempli de tâches assez inhabituelles. La militante communiste
de 37 ans, qui a pris sa carte au PCF à la dernière Fête de l’Humanité, s’est
affairée à remplir un carnet d’adresses, à mettre des timbres, des livres et
des vêtements adéquats de côté. « L’avantage traître », dit la jeune femme,
d’avoir douze jours de détention provisoire à son actif. L’idée ? Se préparer
psychologiquement à toute éventualité.
Car c’est aujourd’hui que cette
habitante de Die (Drôme) et boulangère bio, ainsi que trois autres personnes,
est jugée pour « violence volontaire en réunion sur personne dépositaire de
l’autorité publique ». Elle est soupçonnée d’avoir participé à l’agression du
directeur départemental de la police lors d’un rassemblement des gilets jaunes,
le 8 décembre, dans une zone commerciale de Valence. Ce jour-là, les autorités
décident de dégager le terrain et l’ambiance est électrique. C’est alors que le
patron de la police, présent en personne, ceinture l’un des manifestants qui
prenait la fuite. Selon la police, « une dizaine de gilets jaunes lui sont
alors tombés dessus, le faisant chuter au sol », rapporte l’AFP.
Des consignes fermes
d’« aller au contact, de casser le mouvement »
Pour Maria, qui la semaine précédente
battait le pavé à l’appel de la CGT, « il était évident que le ministère de
l’Intérieur avait donné des consignes d’extrême fermeté ». Et même, dit-elle,
d’« aller au contact, de casser le mouvement ». « J’ai eu la peur au ventre. Je
n’avais jamais vécu ça en manifestation. On voit des images de violence sur les
réseaux sociaux et, là, j’y étais confrontée », souffle-t-elle. La scène, très
brève, a été filmée et ne montrerait aucunement Maria comme à « l’initiative de
la violence », pointe son avocat, Me Bertrand Beaux, mais elle s’inscrit dans
un contexte global d’affrontement.
Deux personnes sont arrêtées, deux
autres le sont dans l’après-midi, dont la militante PCF, alors qu’elle a
rejoint la marche pour le climat, également à Valence. L’interpellation est
musclée, comme l’atteste une vidéo postée sur la page Facebook du PCF de la
Drôme. La militante est placée en garde à vue pour quarante-huit heures, avant
une possible comparution immédiate. Ce que refusent les quatre interpellés, qui
souhaitent préparer leur défense. Ce sera donc la détention provisoire à Lyon,
dans l’attente du procès, le lendemain de Noël. Pour Me Beaux, « le contexte
national », avec un pouvoir désireux d’« envoyer un message à l’extérieur », a
« joué » pour placer en détention des individus sans casier judiciaire.
Maria est alors « coupée du monde »,
dit-elle. Aucun coup de fil personnel n’est autorisé et il lui faut attendre
plusieurs jours avant d’obtenir un bloc de papier, deux enveloppes et deux
timbres. La jeune femme raconte le refus de l’administration de lui faire
parvenir ses lunettes – et son obligation, donc, de porter ses lentilles de
contact jetables pendant dix jours –, le personnel en sous-effectif et
« sous-payé », la solidarité entre codétenues présumées innocentes… « Certaines
sont là depuis des mois. Je me suis rendu compte de la chance que j’avais de ne
pas avoir d’enfants, puisque, pour leur part, elles étaient sûres de ne pas les
voir pour Noël. » Au bout d’une semaine, la jeune femme reçoit les premiers
courriers la rassurant sur les formalités liées à sa soudaine disparition. Puis
affluent les lettres de soutien de « camarades de Die, de Valence ». D’une par
jour, le nombre est passé à une dizaine. « Je ne les lisais pas toutes d’un
coup, pour ne pas avoir le reste de la journée à meubler. Du coup, j’espaçais
pour faire durer le plaisir », rit-elle au bout du fil. Elle apprend
tardivement qu’une demande des quatre familles des interpellés – qui « se sont
rapprochées par la force des choses », observe Maria, un sourire dans la voix –
est transmise au tribunal pour leur remise en liberté. Le 20 décembre, la bonne
nouvelle tombe. « Ce sont quatre cas différents avec un point commun : le cadre
carcéral pour des personnes sans casier judiciaire, en pleine période de Noël,
n’est pas évident », souligne Me Beaux, qui qualifie la détention
d’« excessive ».
Le PCF a relayé
l’information sur les réseaux sociaux
Autre point qui a pesé, de l’avis de
l’avocat : la mobilisation à l’extérieur. La fédération PCF a alerté la presse,
relayé l’information sur les réseaux sociaux, organisé un rassemblement devant
la préfecture, imprimé des affiches… puis le parti, depuis Paris, a alerté
toutes les fédérations avant d’évoquer le cas de Maria en conseil national.
« Ils n’aiment pas trop ce type de publicité. Que cette mobilisation vienne
d’un parti a pesé », observe Jean-Marc Durand, secrétaire fédéral, qui connaît
Maria depuis deux Fêtes de l’Humanité, où elle a offert ses talents de
boulangère sur le stand de la Drôme.
Cette « énergie » et ces « réseaux
déployés », Maria ne les a réellement découverts qu’en sortant. En plus du
« stress que (sa) disparition a provoqué chez (ses) proches ». « Les camarades
ont pris soin de ma mère. Ça, je ne leur en serai jamais assez reconnaissante.
Je suis d’autant plus touchée que je suis une jeune membre du parti. C’est là
qu’on voit toute la chaleur humaine au sein de ce que je préfère appeler une
famille politique. » « À quelque chose malheur est bon », dit-elle, d’autant
qu’habituellement elle reste loin de sa famille, résidant en Bretagne, pour
Noël. « C’est toute l’ironie de la situation. On devait, dans la vallée, se
réunir entre personnes “seules”. Et, finalement, j’ai eu ma belle-sœur et ma
mère avec moi. » Un Noël, « improvisé », qui « revient à son essence même ». À
l’aube du procès – politique tant il illustre une « remise en cause de notre
droit à manifester » selon ses mots –, Maria garde « une boule au ventre » :
« J’ai du mal à dormir, contrairement à ma période de détention où je n’avais
pas de prise sur les événements. Mais tout l’amour que j’ai reçu m’a regonflée
à bloc. »
Audrey Loussouarn
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