« PEUPLE DES OMBRES », L’EDITORIAL DE JEAN-EMMANUEL DUCOIN DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !
Une mobilisation en baisse ? La belle affaire…
Une mobilisation en baisse ? La belle affaire… Il n’aura échappé à personne
que les commentateurs les plus savants dans l’art des analyses définitives se
gargarisent et ont décrété l’acte de décès du mouvement des gilets jaunes.
Entre « clap de fin » et « nombre d’arrestations en net recul » (comme si ce
dernier critère était devenu le mètre étalon du calcul quantitatif !), ils
veulent nous convaincre que près de 70 000 personnes mobilisées encore
dans toute la France, un cinquième samedi de rang et à une semaine de Noël, ça
ne compte pas ! Françaises, Français, citoyens et salauds de pauvres, circulez,
puisqu’on vous dit qu’il n’y a plus rien à voir ! Et surtout passez de bonnes
fêtes, même si vous n’en avez pas les moyens !
Ce cynisme et cette médiocrité du cœur, de l’esprit et des yeux ont de
quoi nous affliger. Par ces excès, par ce matraquage idéologique d’une rapidité
stupéfiante, cela témoigne que, décidément, beaucoup refusent de comprendre ce
qui se passe vraiment. Oui, la participation fut en recul, en particulier à
Paris. Les causes sont multiples. Mais, en dépit des basses manœuvres du
pouvoir et de sa tentative d’instrumentaliser tous les ressorts intimes de
l’émotion suscitée par la tuerie épouvantable de Strasbourg, le mouvement
s’enracine et il semble bel et bien que la détermination des citoyens contre un
ordre injuste soit intacte, malgré la répression, les arrestations sommaires et
les gardes à vue de masse.
Le peuple des ombres prend désormais toute la lumière : cela dérange ! N’en
déplaise aux donneurs de leçons hâtives qui n’aspirent qu’aux soustractions,
l’addition des colères sociales ne se dément pas. Et si certains acteurs de
cette insurrection s’interrogent légitimement sur les suites à donner à leurs
actions – c’est bien le moins –, les beaux parleurs feraient bien de
ne pas oublier que les gilets jaunes et ceux qui les soutiennent n’ont aucune
consigne à recevoir, ni du pouvoir, ni des puissants, ni des médias, ni de
personne en vérité. Cette révolte citoyenne en tant que processus – dont on
ne sait jusqu’où il ira – active tous les sentiments et exalte
potentiellement une sorte d’ébranlement. Comme si la peur pouvait changer de
camp, durablement. Pour arrêter la course à l’abîme et la masse extraordinaire
de souffrance que produit un tel régime politico-économique.
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