« Les multinationales vont dicter l’info ? », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité de ce jour !
Il existe
plusieurs façons de pratiquer la censure. La plus pernicieuse consiste à
décourager les auteurs eux-mêmes de publier une information dérangeante pour le
pouvoir politique ou économique. La fulgurante concentration des médias,
aspirés par une poignée de milliardaires, avait déjà commencé le boulot. La loi
sur le secret des affaires, si elle était votée affaiblirait encore la liberté
d’informer. Celle qui ne tremble pas des retours de bâtons politiques ou
financiers. Or, si le texte examiné aujourd’hui à l’Assemblée nationale
représente une arme de dissuasion massive pour les journalistes, syndicalistes
et lanceurs d’alerte, c’est bien parce qu’il va les attaquer au portefeuille. Le
cas du magazine Challenges, le 6 février dernier, a déjà offert une terrible
illustration des dangers de ce texte. La tribunal de commerce de Paris avait en
effet condamné l’hebdomadaire pour avoir publié une information du groupe
Conforama, avec une « astreinte de 10 000 euros par infraction
constatée ». Qui acceptera encore de prendre des risques face à une telle
menace financière ?
« Prière
de ne pas déranger ». Voilà l’écriteau que les multinationales comptent
sceller aux portes des entreprises, pour empêcher que la société ne vienne
mettre son nez dans leurs affaires et leurs juteux profits. Qu’en sera-t-il des
Panama Papers, ou du scandale sanitaire du Mediator si une telle loi avait été
en vigueur ? Contrairement à ce que prétendent les défenseurs du texte,
élaboré par les lobbies des multinationales, il s’agit moins de protéger les
entreprises de l’espionnage industriel que de réduire au silence les
résistances citoyennes. D’autant que le vol de documents et la propriété
intellectuelle sont déjà encadrés par la loi. C’est ce qui explique sans doute
la discrétion sur le sujet de la majorité, qui a courageusement choisi une
procédure accélérée pour transposer en catimini cette directive européenne. Mais
il n’est pas trop tard pour faire infléchir la majorité. La France dispose de
marges de manœuvre importantes pour la
transposition de cette directive, qui pourraient préserver les libertés
fondamentales. Un nouveau bras de fer commence.
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