Eliane Assassi : « Macron veut concentrer tous les pouvoirs »
Sur fond de réforme du Parlement, les groupes parlementaires communistes invitent lundi à un colloque sur la crise démocratique et les moyens d’y répondre. Entretien avec Éliane Assassi, sénatrice PCF.
Pourquoi les groupes GDR et CRCE organisent-ils ce colloque ?
Éliane Assassi Nous sommes dans un moment particulier pour notre démocratie. Un moment grave. Dans un contexte de crise économique, sociale et politique, les citoyens se détournent de plus en plus d’élus et de scrutins qui les concernent au plus haut point. Ils se saisissent de moins en moins du vote pour porter des exigences, à force de manque de pouvoir et d’attentes brutalement déçues. C’est dans ce moment politique qu’Emmanuel Macron a décidé de réviser la Constitution et de réformer le Parlement, avec ce point majeur : la réduction du nombre de parlementaires au Sénat et à l’Assemblée, sachant que le Conseil économique, social et environnemental risque aussi de voir ses effectifs baisser. Cette réponse de Macron à la crise politique est très problématique et va l’aggraver. Moins de parlementaires conduira sans aucun doute à un éloignement accru entre les citoyens, les élus et les lieux de décision, à une relégation renforcée des territoires ruraux et à un affaiblissement du pluralisme politique. L’ambition fondamentale de cette réforme est de renforcer comme jamais le présidentialisme de la Ve République et les pouvoirs de l’exécutif, en s’accaparant toujours plus le pouvoir législatif du Parlement. Elle s’inscrit dans les pas de la révision de 2008 de Nicolas Sarkozy, que l’on a tendance à oublier mais qui visait déjà à amoindrir le rôle de la représentation nationale.
Le non-respect du Parlement ne date pas d’hier…
Éliane Assassi Ce que demandent les gens, c’est que les promesses soient tenues et que les élus à la présidence de la République et au Parlement soient à la hauteur des attentes placées. Ils attendent d’être écoutés au lieu d’être méprisés, ce qui ne peut se faire qu’en les associant aux décisions. Macron propose tout à fait le contraire : éloigner le citoyen des décisions et diminuer le nombre de représentants nationaux et même d’élus locaux pour gouverner de façon technocratique et autoritaire. Nous sommes face à un véritable déni démocratique. Tel Bonaparte, le chef de l’État veut concentrer tous les pouvoirs. Il enfonce le clou du mépris et de l’abandon alors même que nombre de citoyens et de territoires sont oubliés et méprisés, et ressentent de grandes souffrances, notamment liées à la fermeture des services publics. La réforme de la SNCF par exemple, telle qu’elle a été annoncée, ne respecte ni le Parlement ni les territoires, qui seront à n’en pas douter victimes de fermetures de lignes.
Où en est le projet de réforme ?
Éliane Assassi Des travaux ont été lancés à l’Assemblée et au Sénat. Il y a des échanges et des propositions, mais les parlementaires n’ont pas réellement la main sur la réforme, ni toutes les clés de lecture. Il ressort qu’il y a des points de convergence entre le gouvernement, les députés LREM et la droite sénatoriale. D’autres font divergence, dont l’ampleur de la réduction du nombre de parlementaires, le non-cumul des mandats dans le temps, le fonctionnement des navettes parlementaires et le mode de scrutin des législatives, avec un redécoupage des circonscriptions qui risque d’être très opaque. Je crains un véritable recul démocratique si le débat autour de la révision du Parlement ne fait pas une complète irruption dans l’espace public. Le premier ministre, Édouard Philippe, nous recevra mardi matin avec André Chassaigne, mais nous n’avons pas d’éléments sur la nature de l’échange. Nous irons avec des propositions, que nous mettrons également à disposition des participants lors du colloque de lundi.
Quelle réécriture de la Constitution défendez-vous ?
Éliane Assassi Le PCF, opposé dès le départ à la Ve République, défend depuis des années une réécriture collective et citoyenne de la Constitution. Nous avons besoin de donner plus de pouvoirs aux citoyens. Nous devons renforcer et développer toujours plus leur lien avec les élus, en rendant inévitable le partage du pouvoir. Faire fonctionner les institutions de façon démocratique impose également de prendre le pas sur la mondialisation libérale financière et la puissance des marchés. Enfin, quoi qu’il arrive, que Macron ait recours au référendum ou convoque un Congrès pour sa réforme, nous devons porter l’exigence d’un grand débat public.
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