« Le fort te le faible », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !
Remettons
les choses dans l’ordre : dans le régime constitutionnel en vigueur dans
notre pays, le rapport qui unit gouvernement et Parlement est sans ambiguïté
aucune celui du fort au faible. Il est donc faux de faire croire qu’une
trentaine de députés communistes et insoumis disposeraient à eux seuls du
pouvoir de mettre à genoux tout un hémicycle, au point de contraindre le
premier ministre à recourir à l’arme ultime du 49-3.
Ce n’est
pas l’opposition qui fixe l’ordre du jour du Parlement, ni à elle qu’appartient
le pouvoir d’actionner le couperet de l’article 40 de la constitution qui s’abat
sans recours sur les amendements jugés « irrecevables ». Ce n’est pas
l’opposition qui peut demander une seconde délibération aux députés quand la première
ne lui plaît pas ; ce n’est pas elle non plus qui peut changer l’ordre d’examen
d’un texte en « réservant » certains articles à plus tard. Face à l’omnipotence
du camp majoritaire, les élus d’opposition n’ont pour seules armes que leur droit d’amendement. Contester ce
droit, ou vouloir dicter les bonnes manières de l’exercer, cela revient à nier
l’existence d’une opposition. Autant gouverner par décrets et ordonnances – c’est
d’ailleurs ce que veut l’exécutif –, si le parlement est une fiction.
Aux ministres
et à leurs soutiens qui, s’ils sont solides dans leurs arguments, n’ont à
priori rien à craindre des offensives d’une opposition de toute façon
minoritaire, il n’est demandé qu’un peu de patience. Sauf si le pouvoir se sait
à ce point en difficulté qu’il redoute de céder. Car en quoi serait-ce
déraisonnable de débattre quelques semaines de plus d’une réforme « inédite
depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir » notre
système social, selon les mots du Conseil d’État, plutôt que de tout expédier
avant les élections municipales ? Dans la Ve République, l’opposition
ne tire sa force que de la faiblesse du camp majoritaire. Invoquer une
quelconque obstruction, c’est donc mettre en évidence l’inconsistance de la
position du pouvoir. Voilà ce qui motive la tentation du 49-3.
Soyez le premier à commenter !
Enregistrer un commentaire