« Déjà deux mois », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité de ce jour !
Souvenez-vous, c’était il y a deux mois : le débat public saturait des appels à la haine raciste et à la guerre des civilisations, cadencé par les éructations d’Éric Zemmour. Depuis, une lame de fond a asphyxié pour un temps les paniques identitaires et ébranlé la toute-puissance néolibérale. Les syndicalistes ont délogé les faiseurs de haine des plateaux télé pour parler solidarité entre les générations et redistribution des richesses.
Dans ce moment de grande politisation, la laborieuse « pédagogie » gouvernementale sur l’universalité prétendue de son projet n’a pas résisté longtemps face aux faits : une réforme de régression sociale qui vise uniquement à gaver les géants de la finance, frustrés par la faible part de l’épargne individuelle dans le système de retraite français. Le premier étage d’une fusée qui vise à détruire dans la foulée la Sécurité sociale et la fonction publique. Mais, en deux mois, ni les mensonges et manipulations, ni la terrible répression qui s’abat sur les grévistes et les manifestants ne sont parvenus à éteindre ce mouvement inédit, toujours soutenu par l’opinion publique. Si l’enjeu des retraites provoque une telle cristallisation, c’est qu’il touche dans le mille d’un choix de société, la jungle individualiste, qu’une grande majorité de citoyens rejettent. C’est d’ailleurs la force de ce mouvement inédit, d’avoir su réunir dans un même combat cheminots et avocats, aides-soignantes et médecins, chanteurs de l’Opéra et chauffeurs de métro, dans des modes de luttes joyeux et inventifs. Les syndicats, que l’ordolibéralisme voulait réduire à un patrimoine du « vieux monde » font chaque jour la démonstration de leur utilité et de leur capacité à se transformer.
La place prépondérante des féministes dans les cortèges démontre que plus aucun mouvement social ne fera désormais l’économie des femmes. Ce tournant majeur peut ouvrir des pages prometteuses pour de prochaines conquêtes sociales. Tout comme le souffle de cette mobilisation peut gonfler les voiles de la gauche, à condition qu’elle prenne le vent dans le bon sens.
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