« Dangereuse spirale », l’éditorial de Patrick Le Hyaric dans l’Humanité de ce jour !
L’atteinte
à la vie privée dont est victime Benjamin Griveaux est une grave remise en
cause des droits humains. Elle doit être condamnée et sanctionnée sans appel. Elle
s’inscrit et vient couronner un système que nous ne cessons de dénoncer dans
ces colonnes. Celui qui conduit des responsables politiques à n’avoir en guise
de propositions que leur exposition, avec conjoints et enfants, dans de grands
magazines en papier glacé ou des émissions de télévision. Les égouts du Net en
sont le prolongement moderne et plus violent.
Ce n’est
donc pas simplement une détestable vidéo, violant l’intime, qui provoque l’affaissement
démocratique, mais un système global de postures, de simplismes et d’égo
démesurés remplaçant la délibération publique. Dès lors que l’on fait croire qu’il
n’y a plus que des choix « techniques » et aucune alternative
progressiste, l’accent est mis sur des choix de personnes, leur image et la
capacité à fabriquer le bon mot qui fera parler. La gloire, aussi fulgurante
que la souffrance médiatique, ne pourra jamais nous faire oublier toutes celles
et ceux – anonymisés – qui se demandent comment payer le loyer, la quittance d’électricité
ou remplir le frigo pour les enfants.
Rien
ne saurait atténuer la condamnation de ce qui arrive. Qu’on nous permette
simplement de rappeler que la victime d’aujourd’hui n’a pas été économe en
mépris vis-à-vis de ceux qui « fument des clopes et roulent au diesel »,
sans parler de cette farfelue proposition de créer une « Central Park »
pour faire parler de lui. À force de remplacer la délibération citoyenne, la
confrontation par le « récit », la « narration de soi », en
lieu et place du débat, on abaisse et on assèche la démocratie, la politique.
Cette campagne des élections municipales devrait être l’objet
de débats contradictoires sur des projets, sur les meilleurs moyens de répondre
aux souhaits des habitants, sur des priorités d’investissements, sur les
rapports avec l’État. Rien de tel n’est organisé. Prévaut le modèle des jeux
télévisés : le citoyen devenu public est sommé d’applaudir, de huer ou de
verser sa larme. Jusqu’où ira-t-on ainsi ? Doit-on accepter plus longtemps
que les vagues montantes des transgressions numériques imposent leur loi jusqu’à
la nausée, ouvrant les béances d’une sorte de post-politique du pire ? Une
authentique démocratie citoyenne doit reprendre le dessus. Cela pourrait
commencer par écouter le puissant rejet populaire de la contre-réforme des
retraites et consulter les citoyens.
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