« Charnière », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !
On n’ose
pas dire : « c’était écrit », car on veut croire encore à la
possibilité que l’exécutif ne se mêle
pas des affaires du Parlement et laisse le débat aller à son rythme au bout de
l’examen de la réforme des retraites. Mais quand même, comment ne pas voir la
cohérence entre la menace de couper court à la discussion des députés et le
sens profond du projet en cours, lequel vise à soustraire du débat public les
décisions concernant les retraites – niveau des pensions et âge de départ –
grâce au passage à un système à points ?
Toute
réforme des retraites comporte un risque politique important, surtout si elle
projette une dégradation des droits. Qui dit recul de l’âge de départ ou baisse
prévisible des pensions, dit conflit social et opposition déterminée au
Parlement. Et tout cela pour des effets à retardement. Le temps que les
réformes d’appliquent, souvent sur plusieurs générations, tout est déjà à
refaire, car la situation démographique et budgétaire a changé…Et le débat
repart pour un tour.
C’est
avec ces péripéties démocratiques, assimilées à des perturbations, que propose
d’en finir la réforme « systémique » d’Emmanuel Macron. Celle-ci
repose sur deux piliers complémentaires. D’un côté, la destruction des repères
collectifs, chacun étant renvoyé à un compte individuel en points, sans plus
aucune référence à une durée d’assurance ou une définition du taux plein
commune à tous les salariés, rendant tout mouvement collectif revendicatif plus
difficile. De l’autre côté, le débat public sur le réglage des paramètres,
comme la valeur du point et la hauteur de « l’âge d’équilibre » -
assimilable à une réforme permanente – est réduit à sa plus simple expression,
corseté par une « règle d’or » budgétaire qui interdit tout déficit. On
voit bien le bénéfice pour la marge de manœuvre des gouvernants, agrandie à
mesure que se réduit le champ de la démocratie. La tentation du 49-3 apparaît
comme la charnière de ce projet : à la fois aboutissement de la méthode
autoritaire ayant présidé à l’élaboration de la réforme, et pierre fondatrice
de ce nouveau système qui met hors-jeu la délibération publique.
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