Quand on veut tuer son chien…(Patrick Le Hyaric)
Quelle déferlante ! L’activation du « droit de retrait » par
les cheminots après un nouvel accident dans les Ardennes a donné lieu à une
incroyable campagne des milieux gouvernementaux et de droite contre les
travailleurs du rail et leur entreprise publique.
Fort opportunément, la Cour des comptes publie quelques jours plus tard un
rapport mettant en cause l’activité, l’utilité, la fonction, les coûts des TER
(Transport express régional). S’érigeant en spécialiste de la question
ferroviaire, elle avait déjà produit un rapport à charge contre le TGV le 23
octobre 2014 pour déjà conclure qu’il fallait « lever
les restrictions à la concurrence
des modes de transport longue distance » et
aller à « la réduction significative des dessertes
sur ligne
classique ainsi que des arrêts intermédiaires sur lignes existantes ».
La régionalisation des TER a eu lieu en 2002 sous l’égide du ministre
Jean-Claude Gayssot comme une innovation démocratique, afin de permettre la
gestion du transport ferroviaire régional au plus près des besoins des
habitants. Il se trouve que, dans la plupart des régions, ce sont des
vice-présidents communistes qui ont eu à mettre en œuvre cette transformation
avec un certain succès, dans une coopération souvent
conflictuelle avec l’État et la SNCF. Le nombre d’usagers des TER, qui
sont aujourd’hui un million quotidiennement avec 7000 trains et 1300 autocars,
n’a cessé d’augmenter. Cette décentralisation a permis de rénover nombre de
gares et de maintenir et moderniser de petites lignes.
La quasi-totalité du parc des trains hors région parisienne a été
renouvelée. L’implication des régions a conduit à contenir les prix des voyages
alors qu’elles ont dû prendre en charge les rémunérations des cheminots, les
contributions aux caisses de retraite et les coûts des péages à Réseau Ferré.
La Cour des
comptes l’ignore superbement. Son rôle de procureur a priori la conduit à
mélanger allègrement tous ces facteurs pour condamner les TER. Les enjeux
d’aménagement du territoire que permet le train lui sont totalement étrangers,
comme ceux de la sécurité routière. Que veux cette cour des petits comptables
de la République ? Transférer les voyageurs sur la route ? A-t-elle
calculé un jour ce que coûtent les fractures territoriales, l’entretien des
routes et des ponts, l’asphyxie des communes jusqu’aux anciens chefs lieu
d’arrondissement, les accidents de la route, les factures à venir des
pollutions multiples et des problèmes de santé induits ?
Il y a
beaucoup de critiques à émettre à l’encontre de la SNCF : dégradations du
service public, fermetures de lignes secondaires, abandon des trains de
banlieue, refus du développement du fret, politique tarifaire opaque, prix des
billets sur grandes distances trop élevés, sous-investissement.
Ces traits
négatifs, dont souffrent usagers et cheminots, combattus de longue date par les
organisations syndicales, sont à resituer dans le contexte général de
l’austérité, de la pression des institutions européennes pour ouvrir
l’entreprise à la concurrence, et de la ponction inadmissible des banques et
des marchés financiers grâce aux taux d’intérêt prohibitifs prélevés sur
une dette que l’Etat s’est refusé à assumer. Véritable boulet pour
l’entreprise, elle est une rente pour ces banques que paient les salariés et
les usagers.
La Cour des
comptes développe une vision comptable et unilatérale du service public. Son
réquisitoire contre ce dernier n’a qu’un objectif : justifier l’ouverture
à la concurrence et la privatisation.
Ceci se fait
évidemment en collusion totale avec le pouvoir qui s’appuie sur cette
caution de « prétendues sages » pour justifier d’attaquer un à un
tous les socles républicains et peut-être l’effondrement des institutions. Les
rencontres de Tours, que L’Humanité organise le 21 novembre prochain sur le
transport ferroviaire, seront un lieu de l’expertise citoyenne et populaire, en
lien avec la vie.
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