Intervenir pour un autre budget (Patrick Le Hyaric)
Les défis
sociaux, environnementaux, démocratiques et géopolitiques se hissent chacun à
un niveau de péril inédit. Si aucun pays ne peut seul y répondre, chacun peut
manifester concrètement son ambition à y faire face. La préparation budgétaire
est à cet égard un moment crucial qui détermine les grandes orientations d’un
gouvernement. Elle est un bon indicateur de son courage à affronter des enjeux
nouveaux déterminants pour l’avenir.
Ces choix sont à opérer alors que l’accès au crédit pourrait être facilité
grâce à des taux d’intérêt historiquement bas ou quasi nul, parfois
négatifs ! Si les colossales masses de liquidités continuent de voguer sur les marchés financiers pour nourrir des rendements hautement
spéculatifs, une catastrophe se prépare. C’est la destination logique de cet
argent s’il reste dans les mains exclusives des actionnaires, comme le montre
l’écœurante actualité des entreprises dévorées par la finance et contraintes à
des licenciements massifs.
C’est au
contraire la dépense publique utile qu’il faut encourager en sortant des dogmes
absurdes imposés par l’Union européenne et en engageant un rapport de forces
avec les institutions du capital. Cette dépense économiquement saine est aussi
la seule capable d’assurer les investissements nécessaires pour amorcer une
transition écologique et énergétique conséquente. Elle doit également permettre
de financer des services publics notamment de santé, d’éducation et de
formation à hauteur de besoins résolument exprimés ces derniers mois par les
salariés.
Le
gouvernement allège la fiscalité, tout en poursuivant soigneusement sa ligne
néolibérale en faveur du capital qui bénéficie cette année d’un nouveau
milliard de baisse d’impôts. Voilà le seul usage que le gouvernement compte
faire des bas taux d’intérêts actuels : financer opportunément des baisses
d’impôts après les avoir énormément augmenté ces dernières années, sans
redresser les services publics et sans poser la question de l’augmentation des
bas salaires et des minimas sociaux. Voilà également une manière d’évacuer le
débat fondamental sur la répartition de l’effort fiscal qui épargne le capital
et les plus riches, notamment depuis que la CICE a été pérennisé et l’ISF
supprimé. Il n’y a pas trop d’impôt mais un impôt très mal réparti !
Quelles seront les conséquences sociales de ces attaques contre le trésor
public ? Quelles seront les conséquences du nouveau rabot sur les aides au
logement, et sur les assurances maladies et chômage, cette dernière soumise à
une véritable saignée ?
Le budget
s’annonce cette année très politique, marqué par la résistance sociale à
l’intégration forcée de la France dans la mondialisation capitaliste que les
gilets jaunes ont spectaculairement incarnée. Résistance qui limite l’ampleur
de la casse sociale envisagée, comme elle a permis de soutenir la croissance
des derniers trimestres en arrachant 17 milliards de pouvoir d’achat pour les
classes populaires, certes en épargnant le capital. Le Medef ne s’y trompe pas qui
regrette « les choix budgétaires du gouvernement qui renonce à réduire sa
dépense publique, son endettement, et à soutenir la compétitivité et
l’emploi. » Il faudra rappeler que, derrière les choix du gouvernement, le
grand patronat pousse en permanence les feux et fixe l’intensité de la lutte
entre le travail et le capital.
M. Macron et
le gouvernement qui se sont volontairement liés pieds et poings aux puissances
d’argent sont donc face à des contradictions qui risquent de s’aiguiser si les
bourrasques internationales -Brexit, récession, et guerres commerciales- se
transforment en orage. Il est fort probable qu’elle se solde par une colère
sociale augmentée des exigences qui montent de la société pour extirper la
nature des logiques de profit. Ce budget est, en tous cas, la manifestation de
l’incapacité de ce gouvernement et des forces sociales qu’il représente de
répondre aux lourds défis de la période.
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