« Coup de poignard », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour !
C’est
d’abord un coup de poignard dans le dos et une trahison comme il y en eut
quelques-unes dans l’histoire, aux conséquences dramatiques. La décision de
retrait des forces spéciales américaines de Syrie, annoncée dimanche soir par
Donald Trump, a pour conséquence immédiate de livrer les forces syriennes
kurdes à la Turquie. Pour le président turc, Erdogan, et alors même que ce sont
ces forces qui, avec un courage et une détermination exceptionnelle, dont ont
témoigné des reportages évoquant notamment le rôle des combattantes, ont fait
face à l’« État islamique », les Kurdes sont des terroristes qu’il
faut éliminer par tous les moyens, à l’intérieur comme en Syrie. On sait que,
question moyens, il ne recule devant rien, comme l’a amplement montré la répression
après le coup d’État avorté de 2016.
Mais
la décision du président américain a encore d’autres conséquences. Elle ouvre
la voie à un regain de combativité de Daech, alors même que la guerre contre le
fanatisme destructeur semblait désormais largement gagnée. Elle annonce une
nouvelle déstabilisation de la région, en redonnant du champ aussi bien à
Bachar Al Assad qu’à l’Iran. On peut se demander si tel n’est pas le but
recherché pour créer les conditions d’un affrontement, en spéculant cyniquement
sur un nouvel embrasement de la région.
Dans
le même temps, Donald Trump, empêtré dans ses affaires de connivence avec des
puissances étrangères, entend sans doute faire diversion en signifiant ainsi
que seuls les intérêts américains comptent pour lui. Sa décision fait des
remous aux États-Unis, y compris chez les républicains, dont certains proches
du président. L’ONU, par la voix de l’un de ses porte-parole lors d’une
conférence de presse, a déclaré « se préparer au pire ». En France,
pour le moment, seul le ministre des Affaires étrangères a réagi en invitant la
Turquie à éviter « toute initiative unilatérale », mais sans rien
dire sur la décision de Trump. Une prudence qui n’est pas sans rappeler un
dénommé Ponce Pilate, voire un certain esprit « munichois ».
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