« À SENS INIQUE », L’EDITORIAL DE MICHEL GUILLOUX DANS L’HUMANITE DE CE JOUR
Le vent change mais le
pouvoir reste à côté de ses pompes. Une semaine avant la première manifestation
des gilets jaunes, le chef de l’État en pleine « itinérance mémorielle » (sic)
lâchait cette sentence jupitérienne : « L’essence, c’est pas bibi. » Et
dimanche, au lendemain d’une nouvelle journée de protestations, un des
multiples préposés au ruissellement de la parole unique expliquait que le
« tournant » emprunté par le gouvernement avec sa loi d’orientation des
mobilités « ne porte pas sur le contenu de notre politique, il porte sur la
méthode ». Surtout rester droit dans ses godillots.
Le projet présenté hier témoigne
d’un pouvoir arc-bouté sur sa ligne de fond et cherchant à détourner la colère sociale
sur les collectivités locales, qui apprécieront le geste. Si les péages urbains
ont disparu faute de volontaires, c’est sur elles que reposerait l’essentiel du
poids budgétaire de ce plan, avec en prime le défaussement de Pôle emploi pour
des aides aux chômeurs. Il fallait y penser. On pourrait sourire en évoquant la
sensibilité aux trottinettes électriques. Mais avec l’incitation à promouvoir
des applications d’aide aux trajets, le ministère des Transports reste dans les
clous d’un « nouveau monde » exclusif de tout le reste et c’est bien là tout le
problème.
Restent les routes à l’abandon,
les lignes ferroviaires supprimées ou menacées de l’être et la question numéro
un dans les bouches de nombre de ces gilets jaunes : le pouvoir d’achat.
Celle-ci est renforcée par la conscience de plus en plus aiguë des choix à sens
inique du pouvoir – de ses attaques contre les retraités et les jeunes à la
suppression de l’ISF. On est bien loin ici des terrains de prédilection de
l’extrême droite, qui, comme le pouvoir d’ailleurs, n’aime rien tant que la
division et la chasse aux migrants. Tous deux ont peur que la colère sociale,
sourde ou manifeste, puisse rencontrer les idées d’augmentation du Smic, de
salaires dignes, et d’impôts pour les riches et autres évadés fiscaux ou encore
de services publics et de transports dignes de ce nom. Un autre ruissellement
est possible…
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