Réponses de Salah HAMOURI aux questions de l'Humanité !
« Vous êtes notre espoir et
les porte-voix de notre résistance »
Salah HAMOURI, avocat
franco-palestinien, est embastillé par Israël depuis 100 jours, en vertu d’un
ordre de détention administrative. L’Humanité
a pu lui faire parvenir des questions par l’intermédiaire de son avocat.
(Entretien réalisé par Pierre Barbancey)
Parvenez-vous à garder le
moral ?
SALAH HAMOURI : Cela fait
longtemps qu’il ne m’a pas semblé aussi difficile de répondre à cette question.
Me retrouver pour la quatrième fois
incarcéré et cela après cinq ans et demi de liberté…cinq ans et demi pendant
lesquels j’ai bâti ma vie d’adulte, et une famille dont je suis privé depuis janvier 2016 et encore plus
aujourd’hui. J’ai entrepris un nouveau cursus universitaire et je suis devenu
avocat trois jours avant mon arrestation. J’ai, malgré tout, un bon moral. Il
existe une grande solidarité entre les détenus. Je reçois de temps en temps,
via mes avocats, des nouvelles du monde extérieur.
Çà a été particulièrement
difficile pour moi de me retrouver face à ces jeunes de 14-15 ans, emprisonnés
comme moi, vêtus de l’uniforme marron glauque des prisons israéliennes, les
pieds et les mains liées, conduits par les gardiens.
Lors d’un transfert à la prison
de Ramleh, j’ai été très touché de voir que les prisonniers sont mis dans six
cages qu’aucun être humain ne devrait jamais connaître. Dans une de ces cages,
j’ai vite reconnu un prisonnier avec qui j’ai vécu cinq ans, il se nomme Walid
Dakka. Il s’est approché de moi. Depuis notre dernière rencontre, ses cheveux
ont blanchi, ses rides se sont multipliées, ses cernes traduisent une grande
fatigue. Il a crié en me voyant : « Le Français ! Qu’est-ce que
tu fais là, pourquoi ils t’ont remis en prison ? » À ce moment, la
carte de la Palestine s’est dessinée dans mon esprit, j’ai pensé à toutes les
souffrances que subit mon peuple. Ces arrestations sont des moyens de pression
que l’occupation utilise pour nous chasser de notre terre et également pour
tenter de détruire nos vies personnelles et sociales. Toutes ces relations que
nous bâtissons sont un moyen pour tenir debout face à l’occupant. Le but de
cette occupation est clairement de vider la Palestine de ses habitants, et tout
particulièrement de Jérusalem-Est.
Comment se passent vos conditions
de détention ? Comment êtes-vous traité ?
Salah HAMOURI : Je suis dans
la prison de Néguev, avec 2400 autres prisonniers. Un grand nombre d’entre eux
sont privés de liberté depuis plus de dix ans. Il y a plus de 300 détenus
administratifs dans cette prison. Nous avons le droit de faire rentrer des
vêtements et des livres 4 fois par an, ce qui n’est pas suffisant. Nous n’avons
pas accès à la presser écrite arabe, nous n’avons qu’une chaîne télé
d’information, les autres chaînes sont uniquement des divertissements en
hébreu. L’administration de la prison met en place une politique
« douce » de torture : la torture psychologique afin de briser
les Palestiniens. Cette torture « douce » est beaucoup plus ravageuse
que la torture physique. Nous avons certes assez de nourriture et le droit de
sortir dans la cour quotidiennement, mais ce n’est pas de cela que nous avons
besoin. Nous avons besoin que cesse cette torture psychologique qui est
utilisée pour tenter de nous briser et de nous convaincre que notre combat est
vain. C’est pour cette raison qu’ils nous empêchent de recevoir assez de livres
et d’avoir accès à l’information de la région. Le fait de n’avoir qu’une seule
visite familiale par mois est également un moyen de torture d’autant plus que
celle-ci s’effectue derrière une vitre. Nous n’avons pas le droit de prendre
nos proches dans nos bras. Les familles de prisonniers souffrent aussi beaucoup
de notre emprisonnement, d’abord, par notre absence, mais également parce que
la prison est très éloignée dans le désert. Chaque visite est une véritable
épreuve pour eux. Certains prisonniers sont même privés de visites.
Quels sont vos contacts avec le
consulat de France ?
Salah HAMOURI : j’ai reçu la
visite du consul et du vice-consul de Jérusalem quand j’étais détenu au centre
d’interrogatoire Al Moskobieh, Jérusalem. À chaque audience, un représentant du
consulat a été présent et j’ai également reçu la visite du consul général de
Tel-Aviv dans la prison du Néguev. Sa première demande de visite avait été
refusée quelques jours avant. J’ai appris que les élus français qui
souhaitaient me rencontrer ne l’ont pas pu. Lors de ma précédente
incarcération, je refusais régulièrement des visites du consul ainsi que d’élus
français. C’est scandaleux que la diplomatie française se fasse ainsi mépriser
par l’occupant et ne tape pas du poing sur la table afin de permettre à l’un de
ses citoyens emprisonnés de recevoir des visites d’élus, de recevoir son
courrier et d’être bien évidemment libéré au plus vite.
Comment jugez-vous le silence des
plus hautes autorités françaises ?
Salah HAMOURI : On l’a bien
vu, lors de ma précédente incarcération, que le silence des autorités
françaises ne peut être brisé que grâce à votre solidarité. Ce silence, qui
pèse aujourd’hui, est sûrement dû au fait qu’une pression de la force occupante
et de ses soutiens est mise sur l’État français qui amène le président à na pas
parler de ma situation. Il faut que la France soit courageuse et qu’elle brise
ce silence pour me défendre et se défendre elle-même contre cette
subordination. Il est temps que la France soit de retour et soutienne les
peuples sous occupation et sous la domination des forces impérialistes. La
France doit me considérer comme n’importe quel autre citoyen français et faire
respecter fermement mes droits d’autant que plus l’État israélien, me prive de mes droits les plus élémentaires
avec cette détention administrative. La France ne doit pas se soumettre aux
pressions américaines, israéliennes, ni aux amis de Netanyahou. Elle doit
prendre une position claire pour défendre les droits des Français partout dans
le monde.
Est-ce que la campagne lancée en
France est importante pour vous ?
Salah
HAMOURI :’Enormément ! Elle me touche et elle touche également tous
mes camarades. Nous vous envoyons nos sincères salutations et tous nos
remerciements. Quand j’ai appris que, malgré la toute première décision du
tribunal (libération conditionnelle), je n’allais pas être libéré, j’étais
persuadé que le mouvement de solidarité avait déjà commencé en France. Je sais
bien que ma libération en 2011 avait été obtenue grâce à la grande et belle
mobilisation qui existait en France. Je suis emprisonné depuis 100 jours, je
peux constater les effets de la campagne, et mes avocats me témoignent qu’elle
a pris plus d’ampleur encore que la précédente ! Cette lutte que vous
menez est basée sur le long terme, et il ne faudra rien lâcher, même si cela
prend du temps, mais nos efforts finiront par payer. Cette résistance que vous
menez en France, cette solidarité qui grandit chaque jour ont dépassé les
frontières de la France et ont une résonnance énorme. Votre solidarité est le
seul moyen pour que notre souffrance soit connue dans le monde et qu’y soit mis
un terme.
Avez-vous un appel à
lancer ?
Salah HAMOURI : vous êtes un
espoir pour des milliers de gens dans les Bastille israéliennes. Il est
primordial de dénoncer ce que les autorités israéliennes font aux Palestiniens
et, en particulier, aux enfants qui sont trop nombreux à connaître les prisons
de l’occupant. Il s’agit là d’un véritable projet pour casser l’enfance
palestinienne. Vous êtes les porte-voix de notre résistance et Europe et
partout dans le monde. Soyez-en bien sûr, la prison ne sera jamais le lieu où
l’occupant pourra enterrer nos rêves et notre espoir ! Chaque jour, nous
sommes plus convaincus que la résistance est notre devoir et qu’elle nous
permettra d’arracher nos droits nationaux, d’obtenir notre liberté et notre
indépendance. Chaque action que vous menez nous envoie des rayons de soleil qui
réchauffent nos cellules sombres dans l’hiver froid du désert.
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