" La Sécu en danger ! ", l'éditorial de Jean Emmanuel Ducoin dans l'Humanité de ce jour !
Une question mérite d’être posée
assez brutalement: les Français ont-ils vraiment conscience de ce qui vient de
se passer à l’Assemblée nationale. Avec l’adoption en première lecture du
budget de la Sécurité sociale, savent-ils ce qui les attend et ce qui, à terme
pourrait jeter bas la protection sociale à la française, dont les fondements
universels plongent loin leurs origines dans l’histoire des luttes populaires
nationales. Ont-ils la moindre idée de ce qu’ils risquent de perdre en se
laissant déposséder de ce formidable projet de société, qui, selon l’ouvrier
communiste devenu ministre Ambroise Croizat, devait « mettre fin à
l’obsession de la misère » et voulait que « chacun cotise selon ses
moyens et reçoive selon ses besoins » ? Pour parvenir à anéantir ce
conquis de civilisation jalousé dans le monde, Macron et son gouvernement
viennent d’enfoncer l’un des fondements essentiels de notre solidarité :
les cotisations sociales. Depuis soixante-dix ans, un continuum de plans de
casse n’a cessé de mettre à mal cette pierre angulaire de notre pacte social,
qui s’adosse à un principe général consistant à ce que les prestations de
Sécurité sociale bénéficient à toutes et tous, sans distinction de revenus,
puis que ses recettes sont précisément assises sur des cotisations calculées
sur les revenus.
Le rêve du patronat se transforme
en arme gouvernementale ! N’écoutez pas les discours dominants. Supprimer
les cotisations sociales, ce serait exonérer le patronat de l’augmentation des
salaires – dont la cotisation est partie intégrante – et ainsi tarir la source
permettant d’assurer en commun la protection sociale, qui n’est ni un coût ni
une dépense, mais une production de santé. D’autant que la destination de cette
« économie » patronale ne servira qu’à nourrir les actionnaires. À
cette atteinte aux salaires s’ajoute une double peine, terrible elle aussi :
la hausse de la CSG, qui va alourdir la feuille d’impôt en fiscalisant la
protection sociale. Par la fin du mécanisme de solidarité, la mort de la
cotisation sociale signifierait celle de la Sécu, ni plus ni moins. Une
coquille vide livrée aux requins des assurances privées. La fin de l’égalité et
le droit de vivre dignement.
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