" Les passe-partout des multinationales ", l'éditorial de Patrick Apel-Muller dans l'Humanité de ce jour !
Alors même que le gouvernement
fait voter aux députés LREM un budget qui supprime l’ISF, abaisse l’impôt sur
les sociétés, instaure une « flat tax », facture aux salariés (
milliards d’euros d’une taxe sur les dividendes, les enquêtes sur les Paradise
Papers font surgir un continent englouti par l’opacité. Ici, ce ne sont pas les
louches trafics de la drogue et des armes, l’agent du crime, qui sont mis en
lumière. Nous sommes loin des contorsions des fraudeurs friqués, des valises de
lingots et des coffres à double fond de limousines. Le capot se lève sur le
moteur de l’économie capitaliste : une part considérable des profits
produits par les salariés échappent aux radars des États par des circuits
légaux pour la plupart, et s’exonère de toute contribution aux besoins
collectifs. Une mécanique sophistiquée d’accommodements fiscaux s’active dans
les gigantesques cabinets d’avocats d’affaires qui effacent la trace des
magots, au fil des sociétés écrans.
« L’optimisation fiscale »,
saisonnièrement vantée par des magazines, est un art de guerre qui trouve des
aides de camp dans les gouvernements. Les montages financiers d’Apple, d’Uber,
de Whirlpool et des autres seraient moins efficaces si leurs États ne leur
prêtaient pas la main. Les Îles Caïman, Panama, l’Île de Man, les Bermudes ?
Pas seulement. Les Pays Bas, le Luxembourg, Malte, l’Irlande, des territoires
états-uniens sont dans la combine sur laquelle les pays puissants ferment les
yeux. L’Union Européenne et le commissaire Pierre Moscovici font mine de
découvrir un scandale dont ils possèdent les tenants et les aboutissants.
L’architecture a plusieurs étages :
la fraude, l’optimisation fiscale et le dumping fiscal, qui concourent tous à
appauvrir la collectivité, à entraver des progrès de civilisation possibles. Derrière
la rengaine des déficits publics et de la baisse nécessaire du coût du travail
se dissimulent les captations à grande échelle. « Qu’est-ce qu’un
passe-partout, comparé à une société anonyme ? » interrogeait le
dramaturge Bertolt Brecht…
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