« La France tourne une page », l’éditorial de Patrick Apel-Muller dans l’Humanité de ce jour !
Nul
n’a oublié « le bruite te l’odeur », la réforme Juppé, les affaires
troubles du RPR. Alors, pourquoi autant de citoyens de gauche éprouvent une certaine
tristesse à l’annonce de la mort de Jacques Chirac ? Ce président-là, de
droite assurément, eut le courage de dire non à la guerre en Irak en se
heurtant aux Américains, de dire la responsabilité des autorités françaises
dans la déportation des juifs, de menacer de claquer la porte à Jérusalem. Sa phrase
« la maison brûle… » est invoquée chaque semaine comme un mise en
garde fondatrice à l’égard du réchauffement climatique. Il gardait une haute idée
de la France et de son rôle, comme un héritage du gaullisme. Sa République n’était
pas la nôtre sans doute, mais comment nier qu’elles ont souvent cheminé du même
pas, contre l’extrême droite avec laquelle il n’a jamais accepté de pactiser.
Mais
cet étrange attachement – que n’a jamais suscité Giscard – tient sans doute à
son goût pour le contact avec les Français. Il savait en jouer pour gagner,
main à main, à chaque élection. Mais il respectait chacun, pas du genre à
étaler sa morgue au fil des petites phrases ou de tweets. Les Guignols de l’info,
pourtant sans indulgence, n’avaient pu se retenir d’en présenter une
marionnette sympathique. Son impatience, ses grandes enjambées, ses bières et
ses têtes de veau gribiche, les échecs et les trahisons finalement surmontés,
le pantalon ceinturé trop haut, son côté séducteur et le jardin secret de ses
passions culturelles, son amitié pour le monde paysan…dessinaient un profil
mi-d’Artagnan, mi-sage dans lequel se reconnaissaient les Français.
La grande
bourgeoisie, désormais, trouve mieux son compte dans un président arrogant qui
vole au-devant de ses appétits. Et la droite, qui reproche toujours à Chirac de
n’avoir pas déchiré le contrat social, a perdu le petit peuple de droite qui
faisait son assise. La page est tournée. Elle avait plus de style…
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