« Jouer la peur », l’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité de demain mercredi !
Parlant de l'immigration devant les
parlementaires de sa majorité, le chef de l’État a repris la rhétorique du
Rassemblement national.
Ainsi donc, comme l’un de ses pires
prédécesseurs – Nicolas Sarkozy pour le nommer –, notre président a perdu tout sens
de l’État. Afin de «séduire» l’électorat populaire, Emmanuel Macron s’empare de
la politique migratoire. Il déclare vouloir «préparer notre pays aux
défis contemporains qui font peur», sauf que, à l’écouter,
l’immigration serait le plus important de ces enjeux. Que les choses soient
claires: il ne s’agit pas d’un «glissement sémantique» mais bien d’une dérive
droitière.
La stratégie adoptée – contrer l’extrême
droite sur son propre terrain – laisse pantois pour ce qu’elle masque mal: une
odieuse visée électoraliste. Le président se prétend ultime rempart des Le Pen
et Maréchal, mais souffle sur les braises des plus bas instincts. Et il y a
plus grave. Outre qu’il oppose les classes populaires à l’immigration, il
transforme ces mêmes classes populaires en haut lieu privilégié de la
xénophobie. On croit rêver!
Par ses façons assumées de reprendre la
thématique fétiche des extrémistes de droite, le procédé de Macron s’avère
dangereux et mortifère. Dans sa volonté de rester en tête-à-tête avec les
nationalistes d’ici à 2022, à l’image des dernières européennes, il tend une
passerelle vers le RN. Comme s’il fallait regarder à l’extrême droite dès que
nous évoquons l’immigration. Toujours le même ressort indigne, jouer sur les
peurs. Une bonne fois pour toutes: le «problème» des quartiers populaires n’est
pas l’immigré mais la crise sociale! Combien de fois faudra-t-il l’écrire et le
clamer pour que cette élémentaire vérité pénètre les esprits? Non,
l’immigration n’est pas responsable des maux de la France!
Car, pendant ce temps-là, la société
craque, souffre et se bat, dans les quartiers, dans les zones rurales, dans les
hôpitaux, dans les écoles, partout où l’atomisation sociale détruit tout. Et
quelle est la seule réponse du chef de l’État? La stigmatisation de
l’immigration. En banalisant la réaction identitaire, Macron portera, à son
tour, une responsabilité historique. Nous voilà loin, très loin, des mots de
Nelson Mandela: «Je suis parce que Nous sommes »
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