« Mots piégés dans le clair-obscur », l’éditorial de Maud Vergnol, dans l’Humanité de ce jour !
Les
mots aussi font des ravages. Le lent glissement sémantique du débat politique,
qui permet aujourd’hui à un ministre de l’intérieur dit
« progressiste » de reprendre à son compte le terme de « submersion
migratoire «, est en passe d’occuper
tout l’espace public. Les termes du débat sur la loi asile et immigration
témoignent d’une dérive idéologique, qui voit s’épanouir les « paniques
identitaires » sur les bancs de la représentation nationale. L’extrême
droite ne cache pas sa satisfaction, n’hésitant pas comme Nicolas Sarkozy en
son temps, à se réclamer ostensiblement de Gramsci. L’auteur des « cahiers
de prison » doit se retourner dans sa tombe ! Car cette récupération
tactique de celui qui rappelait que la conquête du pouvoir passait par les
idées, et donc par le langage, est une aberration totale. L’intellectuel
communiste appelait à mener la bataille des idées pour soustraire les classes
populaires à l’idéologie dominante afin de conquérir le pouvoir, ne cessant, au
prix de la liberté, d’œuvrer à la
construction du « parti des opprimés ». Son œuvre est l’antithèse des
manipulations idéologiques à l’œuvre aujourd’hui, qui consistent à camoufler la
violence sociale sous des expressions abstraites, à substituer au discours
politique la communication et « les éléments de langage », à imposer
des débats piégés en diffusant subrepticement des sens implicites, voire de préjugés,
tapis dans les usages de certains mots.
L’appel
qui prétend lutter contre l’antisémitisme, rendu public dimanche, en est l’illustration
dramatique. C’est l’aboutissement inquiétant des amalgames imbéciles entre
musulmans et terroristes, critique de la politique israélienne et antisémitisme.
Dénonçant contre toute raison, « une épuration ethnique à bas bruit »,
il exonère à bon compte la responsabilité de l’extrême droite, dont le gourou
négationniste Jean-Marie Le Pen vient d’être définitivement condamné pour ses
propos iniques sur les chambres à gaz. Les monstres ont déjà surgi, et le
nouveau monde tarde à vraiment apparaître.
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