" Tribune d'Hervé Bramy et de Robert Clément "
NOUS RELAYONS UNE TRIBUNE D'HERVE BRAMY ET DE ROBERT CLEMENT PUBLIEE DANS LE MAGAZINE DU CONSEIL DEPARTEMENTAL
Monsieur le président,
Récemment, l’Assemblée
départementale que vous présidez a dénoncé l’asphyxie financière que subit
notre collectivité. Elle est à la fois générée par la hausse des « dépenses sociales » qui traduit
les difficiles conditions de vie des habitant·e·s et par les politiques
d'austérité des finances publiques conduites dans le pays depuis trop longtemps
maintenant. Cette aggravation de la situation de notre département nous conduit
à nous associer aux initiatives que vous prenez pour alerter nos
concitoyen·ne·s. C'est le sens même de ce texte que nous pensons utile de
rendre public. Nous souhaitons, au regard de notre
expérience, vous faire part de notre sentiment sur cette dégradation ancienne
et continue de la situation financière que connaît notre Département.
Reconnaissons-le, à gauche, nous avons eu de très nombreux débats et nous avons
perdu beaucoup de temps.
Ce problème n'est pas nouveau.
Car en fait, tout commence dès le 10
décembre 2002, lors d’une séance spéciale de notre Assemblée départementale
consacrée au projet de loi constitutionnelle, que Monsieur Raffarin aimait
appeler « la mère de toutes les réformes ». Nous alertions sur ses dangers. Nous disions alors que
ces dispositions allaient bouleverser la vie quotidienne des Français·e·s c'est
pourquoi nous avions porté l’exigence d’un référendum
populaire. Les faits nous ont malheureusement donné raison. Le 28 mars
2003, cette loi constitutionnelle
fut adoptée à l’unanimité, à l’exception des parlementaires communistes. Elle
constitue, à notre sens, une des causes principales des difficultés que vivent
les départements avec le transfert du RMI (devenu RSA), des routes
nationales et le transfert des
personnels TOS des collèges. Ainsi
en lieu et place de la République des proximités, c’est la République des inégalités aggravées que nous concoctait ce projet présenté
au nom de la décentralisation.
Pas de décentralisation sans transferts financiers !
Comme nous n’avons cessé
de le clamer, année après année, « il
ne peut y avoir de décentralisation sans les transferts financiers qui l’accompagnent». Car si depuis 1982, chacun reconnaît les avancées que les différentes lois de décentralisation ont
permises, comment ne pas constater qu’une
profonde réforme de la fiscalité
locale et une refondation des relations avec
l’État et les collectivités s’avérait
indispensable. Au lieu de cela c’est
le chemin inverse qui a été pris. Dès 2004, quitte à passer pour
d’horribles centralisateurs, nous exigions de « l’État qu’il reprenne, au nom
de la solidarité nationale le versement des allocations aux bénéficiaires du
RMI, puis du RSA ». En 2005 nous éditions une première carte pétition citoyenne pour que l’État rembourse sa dette qui
n'a cessé depuis d'augmenter. Nous
étions bien seuls à clamer cette exigence
au sein de l'assemblée des Départements de France. Depuis cette requête a fait son
chemin, mais beaucoup
trop lentement à notre goût.
Dans le même temps, nous exigions que l’autonomie des personnes âgées
dépendantes soit inscrite comme un droit, au même titre que le droit à la santé
ou à la retraite. C’est ce que nous
nommions la 5e branche de la Sécurité
sociale. Depuis lors, la situation n’a fait que se dégrader pour en arriver au
nouveau constat que vient de faire l’Assemblée départementale. Enfin, c'est également durant cette période que contraints à augmenter
les impôts départementaux pour équilibrer le budget, nous
décidions dans le même mouvement de financer à 50 % la carte Imagin'R
pour tous les jeunes collégien·ne·s et étudiant·e·s du département,
l'attribution d'un chèque aux familles pour lutter contre la fracture numérique
des collégiens, l'aide au permis de conduire pour les jeunes en insertion
professionnelle. Ces avancées ont pour une part disparu et nous le regrettons en constatant qu'elles ont été préservées
en Val-de-Marne par exemple. Malgré toute nos mobilisations, nous ne sommes pas
vraiment parvenus à faire reconnaître
par l’État les spécificités de notre
département qui est loin d'être dépourvu de potentiels et d'atouts.
Nous signons votre pétition
Monsieur le président, vous avez adressé aux foyers de
notre département une pétition pour le maintien des services publics de
proximité. Nous nous associons volontiers à cette
initiative, qui s’inscrit d’ailleurs
dans l’action que nous n’avons jamais
cessé de mener pour le maintien des départements. Notre conviction n’a jamais varié, car elle est fait partie
intégrante, selon nous, du combat contre les inégalités sociales et
territoriales. En 2012, nous nous exprimions ainsi : « À un moment où les
dividendes des actionnaires explosent, n’est-il
pas temps d’envisager la taxation
des actifs financiers ? L’asphyxie financière
des départements, et particulièrement le nôtre, est due pour l’essentiel aux dépenses liées à l’APA et au RSA non compensées par l’État. Sa dette à l’égard de la
Seine-Saint-Denis s’élève à 800
millions d’euros. Il est justifié de
demander son remboursement. [...] Mieux vaut prendre les choses à l’endroit et mettre au cœur de la réflexion ce qui fait la vie quotidienne des habitants : salaires, emploi,
formation, logement, transports, services publics. Et comment
imaginer que nous pourrions y répondre sans que soient portés d’autres choix, d’autres logiques économiques, sociales, écologiques et démocratiques. L’agglomération parisienne est une mégapole internationale. Elle
ne peut se passer de l’intervention de l’État en tant que garant de
la solidarité nationale ». Ce que nous disions à l'époque reste vrai encore aujourd'hui.
Et voici que le nouveau président de la République
s’apprête à annoncer prochainement, la fin des Conseils départementaux dans les
grandes métropoles. Ce serait le cas pour les trois départements de la petite
couronne parisienne. Trois collectivités
représentant 20 000 agents et plus de 5 milliards d’euros de budget. Ainsi 50 années après leur création, nous en reviendrions en quelque sorte au « Département de la Seine ». Alors que tout appelle à une nouvelle décentralisation, à
un nouvel âge de la démocratie, le schéma qui se profile, ressemblerait davantage à une « recentralisation », à l’échelle métropolitaine. Et
comme toujours, les mêmes arguments : « réduire les coûts », « mutualiser », «
faire des économies », « plus de superposition des échelons » …Cette même
rengaine nous est servie depuis une bonne vingtaine d’années.
Avenir des départements : placer le débat entre les mains des citoyens
Pour notre part, nous disons qu'il faut ouvrir le débat
en grand pour remettre les citoyen·ne·s dans le jeu et faire grandir l'exigence
que ce n’est pas au président de la République, pas plus qu’au président de la
Métropole ou à la maire de Paris de décider
de l’avenir de nos départements, c’est à leurs habitant·e·s.
On nous dit que les compétences assumées aujourd’hui par
les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de Marne le seraient par les Conseils
territoriaux et la Métropole. Quelle efficacité pourrait-on attendre de la gestion des quelques 400
collèges, auxquels il faut ajouter ceux de Paris, par la Métropole ? Comment
oser parler de doublons alors que les départements assument des compétences qui
ne se recoupent aucunement avec celles
des autres collectivités ? Que deviendraient les 20 000
agents concernés ? Imaginons que les compétences sociales soient assumées par
les conseils territoriaux - il en existe 11 dans les trois départements - à l’évidence, ils ne possèdent ni les mêmes
moyens, ni les mêmes ressources. Ainsi, alors qu’on
nous répète que ce nouveau « mécano » vise à réduire les inégalités
sociales et territoriales, il ne ferait que
les aggraver. Le Département est
bien le seul espace pertinent pour traiter de manière égalitaire tou·te·s les citoyen·ne·s.
La commune dont l’existence
est réduite à sa plus simple expression, 11 conseils territoriaux, la
région et une Métropole branchée sur Bruxelles, faisant la pige à Francfort et
au « Grand Londres ». Voilà ce que
souhaiteraient imposer Macron et son
gouvernement, dans la continuité de la loi NOTRe.
Une « architecture » éloignant toujours plus les citoyen·ne·s des
pouvoirs de décision. Alors qu’il s’agirait au contraire, de renforcer la démocratie locale en approfondissant la
décentralisation des pouvoirs autour des trois échelons que sont la commune, le
département et la région, avec l'ambition de lutter contre
les graves inégalités sociales
et territoriales
qui dévorent une des plus riches régions d'Europe. Vous
pouvez donc compter sur notre détermination à nous opposer à la disparition des
départements
On ne demande pas l'aumône, on porte plainte
Constatons objectivement que les politiques d'austérité
des finances publiques ont également contribué à rendre la vie difficile à nos
collectivités, aux services publics de proximité et ont réduit
l'investissement des Département. Près de 11 milliards d'euros ont été soustraits arbitrairement à l'ensemble des collectivités
durant la période 2015 à 2017. Pour les cinq années à venir ce sont 13 nouveaux
milliards d'efforts financiers qui sont demandés aux collectivités locales.
Pour les départements c'est la double peine. Augmentation des versements RSA conséquence d'un haut taux de chômage
structurel, augmentation des versements APA compte tenu de l'allongement de vie de nos aîné·e·s et baisse des dotations
versées par l’État au nom de la
réduction du déficit public imposé par les règles du traité européen de
Maastricht. C'est ce double effet ciseaux
qui asphyxie notre département. Nous ne pensons pas comme M. Castaner,
secrétaire d’État aux relations avec le Parlement et délégué général La
République en marche, que « Notre pays est drogué à la dépense publique ». Il
est grave de porter une telle appréciation sur la réalité sociale de notre pays
alors que les dépenses des collectivités ne pèsent que pour 8% environ dans la
dette publique !
L'argent existe pour satisfaire nombre de besoins humains
aujourd'hui sacrifiés sur l'autel de la finance comme tiennent à le rappeler
les conseillers départementaux communistes. La place manque ici pour proposer
des alternatives aux choix financiers, passés et actuels, des gouvernements successifs. Pour notre part, nous considérons qu'il est toujours
temps d'élargir, à gauche, les
mobilisations et les rassemblements de toutes celles et tous ceux qui veulent
en finir avec les politiques
d'austérité, la réduction des services publics rendus à la population et du nombre de
fonctionnaires, et enfin agir pour d'autres politiques financières au service
du développement humain.
Nous restons
disponibles pour cela.
Robert Clément
Robert Clément
Président du Conseil général de Seine-Saint-Denis de 1993 à 2004
Hervé
Bramy,
Président du Conseil général de Seine-Saint-Denis de 2004
à 2008
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