" Notre honte ", l'éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l'Humanité de ce jour !
« Étranger moi-même. »
que reste-t-il dans la tête et la conscience intime du chef de l’État, de cette
conférence donnée en 1997 par Paul Ricœur, quand le philosophe déclarait :
« l’hospitalité ouvre sur l’infini » ? À voir la logique
inhumaine qui prévaut à la réforme du gouvernement sur l’immigration, pas grand-chose
en vérité…Depuis la circulaire du 12 décembre, signée par le ministre de l’intérieur,
les associations appellent massivement à la « résistance positive »
pour refuser l’instauration du contrôles des migrants résidant dans les
structures d’accueil, au nom d’un principe universel ; les personnes
recueillies sont d’abord des êtres humains, pas des dossiers administratifs. Emmanuel
Macron donne la ligne, Gérard Collomb l’exécute avec zèle : traques,
accélération des expulsions, allongement de la durée de rétention. L’exécutif
installe la France dans le macabre cortège des pays murés dans leur indignité. Sans
parler de la criminalisation de ceux qui aident les réfugiés, comme en témoigne
le cas exemplaire de Martine Landry que nous évoquons dans ces colonnes. Cette retraitée,
devenue, par la volonté des pouvoirs publics, l’une de ces « délinquants
solidaires ». De Menton à Briançon, la chaîne d’humanité continue pourtant
de gravir des sommets aux côtés des migrants. Les voilà, les vrais premiers de
cordée !
Sans tergiverser :
solidarité et devoir d’accueil. Ainsi nous ne tairons pas notre honte devant
cette obsession qui consiste à vouloir « trier » des humains. Ricœur d’un
côté, la schlague gouvernementale de l’autre. Notre honneur à tous s’en trouve
atteint. Fermer les frontières n’empêche pas les exils. Qui peut oser posséder
droit de vie ou de mort sur des individus dont le pays d’origine ne peut ou ne
veut assurer la « protection », comme le stipule un statut de la
convention de Genève, depuis 1951 ? Chaque barbelé sur une route
migratoire ouvre un autre chemin, souvent plus périlleux, comme dans le
Briançonnais. Le repli a des conséquences désastreuses : la mort pour les
migrants, la prison pour les « aidants », la montée en puissance des
nationalismes…Les réfugiés de guerre ou de misère disent le monde réel. Ils sont
des messagers de l’histoire. C’est aussi notre histoire.
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