LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

jeudi 1 août 2019

MOBILISATION. LE SOUFFLE DE JEAN JAURÈS POUR RAVIVER LES LUTTES ÉMANCIPATRICES ACTUELLES


                           
                            
Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité, a commémoré hier le 105e anniversaire de la mort de son fondateur. Il a célébré un esprit en phase avec les combats « pour la grande paix humaine, la liberté de conscience, l’égalité sociale et politique ».
Il a été la première victime de la Grande Guerre, avant même que celle-ci soit officiellement déclarée. Il y a 105 ans, Jean Jaurès, l’homme qui dix ans auparavant fondait l’Humanité, s’effondre dans le Café du Croissant, victime d’une balle en pleine tête tirée par « un fanatique armé par la propagande chauvine et guerrière » qui battait alors son plein. Directeur de journal, député socialiste, pacifiste, Jean Jaurès avait passé la dernière journée de son existence à plaider, de ministère en cabinet, pour la paix, « dans la justice et dans l’honneur ». Il s’apprêtait encore à le faire dans son dernier édito, après une pause bienvenue au Café du Croissant, à deux pas de la rédaction de l’Humanité. C’est là, peu avant 22 heures, qu’il s’est effondré, le 31 juillet 1914.

Hier, une assemblée lui rendait hommage, au 146 de la rue Montmartre, devant l’établissement plus que centenaire. Des gerbes ont été déposées respectivement par l’Humanité et des élus communistes parisiens. Devant deux cents personnes rassemblées, le directeur du journal, Patrick Le Hyaric, a rendu hommage à « la vie et la pensée de Jean Jaurès », dont les écrits et les combats ont légué « à la France entière et bien au-delà l’héritage flamboyant et fertile des luttes pour la grande paix humaine, pour la liberté de conscience, l’égalité sociale et politique ».

Un legs vivant, qui résonne encore aujourd’hui. « Si Jaurès a pu faire l’objet de toutes les récupérations, jusqu’aux plus absurdes et cyniques » – des discours de Nicolas Sarkozy aux ignobles affiches du Front national affirmant que « Jaurès aurait voté FN » –, c’est qu’il a « laissé une trace indélébile dans les consciences et la mémoire populaires », estime Patrick Le Hyaric.
Dès 1895, Jaurès prophétisait ce que serait l’état du monde un siècle plus tard

Car au-delà du journaliste engagé, du député enragé, c’est la voix d’un visionnaire dont les échos devraient encore inspirer les luttes actuelles. Pour l’internationalisme et le pacifisme tout d’abord. « Plus d’un siècle après son assassinat, les analyses de Jaurès résonnent au cœur d’une actualité brûlante et troublante, de fer et de feux », martelait le directeur de l’Humanité en égrenant les « guerres de proie », du détroit d’Ormuz à tout le golfe Persique, en passant par la Chine et la Russie. « Dans ce siècle de concurrence sans limite et de surproduction, il y a aussi concurrence entre les armées et la surproduction militaire : l’industrie elle-même étant un combat, la guerre devient la première, la plus excitée, la plus fiévreuse des industries. » Ainsi, Jaurès prophétisait, dès 1895, ce que serait l’état du monde un siècle plus tard. Un monde où « l’intensification de la guerre économique » a produit, comme il le pressentait, un emballement de l’industrie militaire, note Patrick Le Hyaric (4,9 % de hausse générale des budgets de l’armement militaire en 2018), et notamment du nucléaire. Malheureusement, trop peu de spectateurs de la dégradation du monde avancent avec Jaurès que « l’affirmation de la paix est le plus grand des combats ».

Guerres de religion, guerres d’appropriation des ressources, guerres commerciales… Patrick Le Hyaric vise les coalitions d’extrême droite et de droite extrême qui « gagnent partout des positions décisives, accentuant les guerres commerciales, affaiblissant partout les protections collectives conquises par le mouvement social et ouvrier ». Aux États-Unis, au Brésil, en Autriche, en Hongrie, s’intensifie l’exploitation de « deux sources de toute richesse, note Patrick Le Hyaric : le travail humain et la nature, au point aujourd’hui de menacer notre humanité commune ». Qu’aurait dit Jean Jaurès à ceux qui aujourd’hui sacrifient l’avenir de leurs enfants en ouvrant grand les vannes du commerce international dérégulé ?

Puisque « un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme y ramène », c’est à la situation de la France qu’a été consacrée la suite. À ce « retour d’une mémoire révolutionnaire enfouie » qu’est selon le directeur de l’Humanité le mouvement des gilets jaunes, « élargi au pays entier » dans les hôpitaux, les écoles, les Ehpad, dans les sites industriels… Une « politique de défense exclusive des plus riches » appuyée par une répression policière en augmentation. Mais si Jaurès a laissé « une trace aussi forte que problématique pour le parti de l’ordre et ses affidés des puissances d’argent », il a aussi laissé à « tous les militants de l’émancipation humaine » une autre « trace », son journal. Son lointain successeur l’affirme : même si « informer en toute indépendance, en assumant le regard communiste sur l’évolution du monde est devenu chose ardue », l’Humanité prendra sa place dans la révélation, le décryptage, l’analyse des politiques libérales et répressives à l’œuvre. Bien que le journal « traverse à l’heure actuelle une zone de turbulence (réduction du nombre de salariés, économies drastiques sur notre fonctionnement – NDLR), nous perpétuons chaque jour et chaque semaine l’œuvre d’informer que Jaurès considérait avec sagacité comme essentielle au mouvement transformateur ».
Grégory Morin

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