« Cerveaux », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !
Aucune
révolution technique, malgré les immenses potentiels qu’elle libère, n’a jamais
immunisé l’humanité contre sa propre aliénation et celle de la nature. Ainsi la
révolution industrielle a –t – elle ouvert une ère de prospérité et de progrès
technique sans précédent. Mais, sous le règne du capital, cela s’est accompli
au prix d’une polarisation extrême des richesses et d’une déshumanisation du
travail. Et, comme le confirme le dernier rapport du Giec, au prix d’un
réchauffement du climat dû à l’intensification non maîtrisée des activités
humaines.
La révolution
numérique en cours n’échappe pas à la règle. Le progrès technologique est en
train de bouleverser radicalement le monde dans lequel nous vivons – le travail,
les loisirs, les rapports humains eux-mêmes se redéfinissent –, mais nous ne
sommes toujours pas collectivement maîtres de ses usages. Sous l’empire des
Google, Facebook ou Amazon, c’est encore l’exigence du profit qui oriente,
guide, sélectionne les emplois, les productions, et cherche à conditionner
jusqu’à nos comportements. La métaphore du « temps de cerveau disponible »
transformé en marchandise n’a jamais été aussi vivante, s’agissant de la
surconsommation de « contenus » numériques dont les grandes firmes
nous gavent presque chaque minute sur Internet. Or, cela aussi a un prix. Derrière
les plateformes et leur flux d’images virtuelles, c’est une économie tout ce qu’il
y a de plus matériel qui consomme, épuise, exploite. Les humains – la lutte des
Deliveroo le souligne – mais aussi la nature, avec les énormes dépenses d’énergie
générées par l’essor des vidéos en ligne.
Pourtant,
« le numérique peut se révéler un atout pour le climat », pointe l’auteur
d’un rapport sur le sujet, mais il va falloir choisir « que privilégier »
dans l’usage des ressources : les buts commerciaux ou l’intérêt général. L’enjeu
est immense. Il est politique. C’est, écrivait Karl Marx en 1858, avec le
capitalisme que la nature a été réduite à « une pure affaire d’utilité »,
« soit comme objet de consommation, soit comme moyen de production ».
Tant de cerveaux sont disponibles aujourd’hui pour penser d’autres rapports entre
nature, production et consommation.
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