« Le parti de l’ordre » (Patrick Le Hyaric)
Le parti de
l’ordre agit. L’insupportable drame dont le jeune Steve Caniço est la victime
n’est-il pas le révélateur de l’orientation et de ce qu’est devenue l’activité
de la police ? Les « posts » sur les réseaux sociaux de
gendarmes et de policiers se réjouissant de la mort du jeune Nantais, ou les
blagues à son propos disent quelque chose de l’inquiétante ambiance régnant au
sein de cette institution censée être républicaine et protéger les citoyens. La
longue liste des actes violents anti-quartiers populaires et anti-jeunes,
anti-fête et anti-mouvements sociaux ne font que creuser un fossé déjà bien
large entre les populations et sa police. Que l’on songe à cette scène où des
CRS casqués et armés mettent des jeunes à genoux les mains sur la tête dans la cour
de leur école, à Théo à l’anus déchiré, à Adama Traoré mort à la suite d’un
placage ventral, ou encore à Zineb Rédouane dont le seul délit était de se
trouver à sa fenêtre.
Et,
depuis le début du mouvement des gilets jaunes, la nature des armes utilisées
et les chiffres des actes violents sont aussi accablant, qu’effrayant :
19 000 tirs de LBD, 5400 tirs de grenades de désencerclement, 1400 tirs de
grenades GLI-F4. On recense deux morts, 24 éborgnés, 5 mains arrachées, 315
blessures à la tête. A la fin du mois de mai, 2500 gilets jaunes avaient été
blessés. De l’aveu du ministère de l’Intérieur lui-même, 560 signalements ont
été déposés à la police des polices (IGPN). Aucun policier n’a été suspendu. Au
contraire une partie d’entre eux a été décorée. L’impunité d’un côté, par
contre 2000 condamnations ont été prononcées contre des gilets jaunes dont plus
de 40% à de la prison ferme. Le système politico-médiatique dominant a fait
croire tout cet hiver que les classes populaires qui manifestaient comme les
ouvriers qui défendent leur outil de travail étaient violentes. Des ministres
sont allée jusqu’à inventer l’attaque d’un hôpital parisien au lieu de répondre
à la misère des services d’urgence.
C’est
le même qualificatif qui est utilisé à propos des paysans qui, en état de
légitime défense, depuis quelques jours dressent des murs de briques devant
quelques permanences de députés godillots de la majorité ayant voté le traité
avec le Canada, destructeur de leur travail et de leur vie. Un vote au
parlement a sa part de violences cachées. Mais le pouvoir nie les violences
policières. Mieux, la police est le seul corps social doté de sa propre police
qui dispose du droit de se doter « du droit » qu’il souhaite
notamment celui du pouvoir de blanchiment de toutes exactions. C’est comme si,
désormais on imposait une vision du monde dans lequel il faudrait cibler,
réprimer, voir éliminer « les indésirables » pendant que M. Benalla
court toujours au vu et au su de tous et qu’un ministre démissionné pour ne pas
pourrir l’été macronien, se croyant blanchi, quémande son retour au
gouvernement.
Cette
vision du monde ressemble furieusement à celle de l’extrême droite. Le pouvoir
prétend la combattre en l’imitant. Le mensonge est érigé en mode de
gouvernement. On l’a encore vu il y a quelques jours à propos des calculs
chiffrés visant à démontrer que la prochaine « contre-réforme « des
retraites améliorerait le sort des pensionnés à partir de chiffres bidonnés. De
même, les vidéos montrant les violences policières sont toujours niées par les
responsables au pouvoir. La parole officielle est soutenue par une intense
déferlante médiatique justifiant l’action de la police au nom de la lutte
contre « les violences », au nom de « l’ordre ». Cette
artillerie communicative se substitue au devoir d’information. Cela ne peut que
discréditer ses auteurs et avec eux la politique et leur fonction de
représentation. Au-delà, c’est L’Etat lui-même qui est affaibli. Peut-être y
a-t-il une cohérence à tout ceci ! La défense des intérêts des plus
fortunés, l’extension continue du domaine de la propriété privée et de la
marchandisation, au détriment du bien commun a besoin d’un Etat affaibli et de
la répression policière.
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