« Le voile déchiré », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour !
Trop
de témoins. Trop de paroles non prises en compte, de souvenirs précis de la fin
cauchemardesque de cette nuit du 21 juin à Nantes. Les gaz lancés par les
policiers qui aveuglent, la fuite du nuage brûlant et soudain le vide sous les
pieds, la chute des corps dans le fleuve, les appels au secours, et puis les
cris d’effroi devant une forme engloutie par les flots noirs…Cette fois, le
déni des autorités ne sera pas le plus fort, comme cela est trop souvent le cas
dans les affaires impliquant l’action de la police. Il ne parviendra pas à
refermer les eaux troubles de la Loire sur le secret qu’elles ont emporté avec
Steve Maia Caniço.
Peu à
peu, le voile se soulève sur les événements du quai Wilson au cours desquels le
jeune homme a trouvé la mort. Il faut le déchirer jusqu’au bout, pour qu’à la
colère succède le début d’apaisement que seule peut procurer la vérité établie
et reconnue jusqu’au sommet de l’État. Pour le moment, les autorités n’ont pas
apporté le concours que chacun est fondé à attendre d’elles. Ce n’est pas dans
le rapport de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), mais dans la
presse que se manifestent chaque jour de nouveaux éclat de vérité, cette presse
si souvent conspuée par le pouvoir et qui est désormais le réceptacle quotidien
des témoignages de ceux que la « police des polices » ne s’est pas
donné la peine d’entendre.
À l’heure
de la multiplication des sources d’information et de leurs moyens de diffusion,
cette autorité qui prétend imposer une « vérité officielle » n’a qu’à
bien se tenir. Le chef du gouvernement et son ministre de l’Intérieur en font
la piteuse expérience, le second admettant désormais du bout des lèvres un « questionnement
sur l’utilisation des grenades lacrymogènes » - soit un début de remise en
cause des conclusions du rapport de l’IGPN que le premier ministre n’a pas
hésité à faire siennes, à peine le corps de Steve sorti de l’eau. La position
du pouvoir exécutif est intenable. La demande des juges d’instruction de Nantes
de confier l’affaire à leurs collègues d’une autre ville montre heureusement
que l’espoir d’une enquête impartiale n’est pas mort.
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