« LE CRI D’ALGER », L’EDITORIAL DE MAURICE ULRICH DANS L’HUMANITE DE DEMAIN MERCREDI
« Djoumhouria, machi mamelaka ! » ont scandé hier des centaines d’étudiants
sur les hauteurs d’Alger, des milliers dans le pays. « Une République, pas une
monarchie ! » À ce slogan qui exprime le rejet de la cinquième candidature
d’Abdelaziz Bouteflika, s’en ajoute souvent un autre. « Que les harraga
reposent en paix. » Il s’agit de ces jeunes qui, après avoir brûlé leurs
papiers, tentent la traversée de la Méditerranée devenue le cimetière marin que
l’on sait. La crise en Algérie couvait depuis plusieurs années. Elle éclate
avec deux dimensions qui se conjuguent. Elle est sociale et morale. Sociale
car, depuis cinq ans, la chute du cours des hydrocarbures, qui représentent 94
% des exportations du pays, a amené une chute sans précédent du pouvoir
d’achat. Le pays, en dépit de la corruption des cercles dirigeants,
connaissait, grâce à une politique pour partie redistributive, une relative
paix sociale aujourd’hui rompue. L’autre dimension est une crise de dignité et
de démocratie. Depuis sept ans le pays est dirigé par un président fantôme qui
n’apparaît plus jamais en public et qui est devenu muet. C’est une forme d’humiliation.
Pour les nouvelles générations, la fin de la décennie noire, pendant
laquelle les islamistes ont tué de 100 000 à 200 000 personnes, est déjà
loin, et si le Président actuel s’est prévalu d’y être pour quelque chose, cela
ne justifie en rien la situation d’aujourd’hui. Sans doute à ses côtés
tente-t-on d’agiter le danger du retour à ces années mais les jeunes
Algériens, dont les manifestations sont exemplairement pacifiques, ont besoin
de démocratie et de progrès social. L’aggravation de la crise, ce serait
l’obstination de l’équipe dirigeante. Sa volonté de tenir les médias à
distance, y compris en refusant leur visa à des journalistes, n’augure rien de
bon. Sa résolution, c’est une transition démocratique qui peut être sereine. La
France dans ces conditions n’a qu’une chose à faire : rien. Rien qui puisse
tendre la situation au prétexte du maintien d’un ordre qui est le véritable
désordre.
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