« COMPLICE DU PIRE », L’EDITORIAL DE LAURENT MOULOUD DANS L’HUMANITE DE DEMAIN VENDREDI
Ni les visages ensanglantés, ni les constats accablants des associations,
ni même l’appel solennel, mardi, du Conseil de l’Europe à suspendre l’usage du
LBD 40 lors des manifestations ne font tiquer Emmanuel Macron. À l’orée de
l’acte XVI des gilets jaunes, ce week-end, le chef de l’État continue,
avec un cynisme invraisemblable, à miser sur le bâton et la mutilation pour
étouffer la contestation sociale et maintenir son cap ordo-libéral.
Les recommandations de la commissaire Dunja Mijatovic, inquiète de la
loi anticasseurs et qui demande à Paris de revoir « au plus vite » sa doctrine
d’usage des armes « secondaires », auraient pu être un électrochoc pour le
pouvoir. Elles n’ont servi, depuis deux jours, que de prétexte à une réplique
sécuritaire grotesque de la part d’un Emmanuel Macron jamais aussi peu européen
que lorsqu’il s’agit de respecter les droits de l’homme. En résumé ? Non, il ne
touchera pas aux LBD 40 et aux grenades GLI-F4. Oui, il continuera ce
discours balayant le champ lexical du chaos pour mieux amalgamer les grappes de
casseurs aux dizaines de milliers de gilets jaunes, dépeints sans nuance comme
des « gens armés, venus avec les pires intentions ».
La méthode n’est pas nouvelle. Mais les approximations que le pompier
pyromane doit désormais proférer pour se justifier sont de plus en plus
grossières. Le chef de l’État évoque des « doctrines claires » d’emploi des
armes ? Plus de 110 personnes ont été visées à la tête et 15 ont perdu un
œil. Il vente les caméras censées témoigner du déroulé des opérations ? Elles
ne sont pas obligatoires. Il suggère que les victimes ne sont que des
« complices du pire » qui l’ont bien cherché ? Parmi les blessés graves, on
compte 36 lycéens, 14 passants, 53 journalistes,
14 médecins volontaires…
Dans une démocratie digne de ce nom, la souffrance d’une population ne
s’écrase pas sous un déluge de mensonges. Ni sous le talon des bottes ou dans
le flou de « grands débats » qui ne sont que de petits calculs. Emprunter ce
chemin, c’est prendre le risque de cultiver la rancœur et la haine. Voire, un
jour, de se retrouver « complice du pire ».
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